Près de 100 ans après avoir été écrits, les romans d'Agatha Christie continuent de se vendre par millions dans le monde, une performance dont le mystère n'a pas encore été percé à jour, au centre d'un festival à Torquay, sa ville de naissance.

Certes le roman policier est devenu un genre majeur ces dernières années. Mais comment des intrigues situées dans la première moitié du XXe siècle, décrivant une société qui n'existe plus, des meurtres à l'aide de poisons démodés et des personnages désuets continuent-ils de tenir le public en haleine?

«C'est difficile à expliquer», répond de prime abord son unique petit-fils Mathew Prichard, gardien de l'oeuvre de la reine du crime morte en 1976.

Avant de rapidement avancer l'argument de la «simplicité», face à une question qui lui a été maintes fois posée.

«Ma grand-mère a écrit des livres pour distraire les gens», que ce soit sur un lit d'hôpital ou lors d'un voyage en train, dit-il à l'AFP. «Ses intrigues sont donc très simples à comprendre, même pour ceux qui ne lisent pas beaucoup».

John Curran, expert de la romancière et auteur des Carnets secrets d'Agatha Christie, évoque aussi l'accessibilité des textes d'une auteure qu'enfants comme universitaires peuvent dévorer avec le même plaisir, si ce n'est avec la même grille de lecture.

Amateurs et spécialistes se sont donné rendez-vous à Torquay à partir de vendredi, et pour dix jours, pour assister à de très sérieuses lectures et conférences destinées à décortiquer l'oeuvre et la vie de la romancière, née il y a 125 ans dans cette petite ville de la Riviera anglaise. Mais aussi pour plonger dans son univers intime fait de causeries autour d'une tasse de thé, de dîners avec nappe blanche et majordome et de demeures confortables aux jardins fleuris. Seul le cadavre habituel devrait manquer à l'appel.

Carte postale nostalgique

Au total, quelque 100 événements sont organisés et 10 000 personnes sont attendues du monde entier, explique Pam Beddard, chargée des communications pour le festival. Initiée il y a une dizaine d'année pour attirer les touristes, la manifestation a pris un tour plus sérieux l'an dernier.

Kathryn Harkup viendra décrire les poisons utilisés par Agatha Christie, et expliquer pourquoi c'était sa méthode favorite pour faire passer ses personnages de vie à trépas.

«Elle a été infirmière bénévole (pendant la Première Guerre mondiale), elle en connaissait un bout sur les potions mortelles», dit cette chimiste, auteure de A pour arsenic, une étude détaillée des venins qu'elle utilisait dans ses livres

L'éditrice et écrivaine française Anne Martinetti se penchera elle sur les recettes des tourtes, marmelade et autres scones qui peuplent les livres de la romancière réputée très gourmande.

Quant à John Curran, il expliquera notamment comment sa manière de raconter des histoires a évolué en cinq décennies.

«Cette femme qui n'a jamais été à l'école (elle a été éduquée à la maison, ndlr) est l'écrivain qui a vendu le plus de livres de toute l'histoire et qui est la plus traduite au monde», dit-il, ne cachant pas son admiration pour une auteure qui a écrit pas moins de 80 romans, continuellement adaptés au cinéma et à la télévision. Ce qui contribue aussi à maintenir sa popularité.

«Au Royaume-Uni, chaque soir il y a un Agatha Christie quelque part sur une chaîne de télévision», souligne-t-il, faisant revivre son petit détective belge dégarni à moustache Hercule Poirot ou Miss Marple, vieille fille un peu commère mais surtout très perspicace.

Mathew Prichard dit qu'il est «sûr qu'elle ne l'a pas fait intentionnellement mais elle a produit quelque chose de très facile à adapter» à l'écran.

Des films ou téléfilms qui, comme ses romans, offrent une carte postale exotique de la vie au sein de la haute société anglaise, entre soirées à l'opéra, voyages en Orient-Express et croisières sur le Nil, qui séduit ses fans.

(www.agathachristiefestival.com)