Le 81e congrès du PEN international, qui se déroulera à Québec du 13 au 16 octobre, réservera lors de sa première journée une chaise vide au blogueur saoudien Raif Badawi, condamné depuis 2012 à 10 ans de prison et à 1000 coups de fouet à cause de ses écrits.

C'est ce qu'a annoncé hier le président sortant John R. Saul, romancier et essayiste canadien qui est à la tête de l'organisme depuis six ans. Le président du PEN, qui défend la liberté d'expression écrite et a des antennes partout dans le monde, estime que 30 % des cas portés à son attention sont justement des cas de blogueurs.

«Il y en a de plus en plus, a-t-il affirmé à La Presse en marge de la conférence de presse où la programmation du congrès était dévoilée. Nous avons justement réussi à faire libérer récemment un blogueur afghan, qui était sur le point d'être exécuté. Non seulement nous l'avons sauvé, mais nous avons réussi à lui faire quitter le pays.»

Le cas Badawi, dit John R. Saul, est particulièrement horrible.

L'affaire Badawi est un cas parmi les centaines d'autres sur lesquels se penche le PEN chaque année. «Environ 200 écrivains, journalistes, blogueurs sont tués chaque année. Et autour de 800 sont mis en prison», précisait John R. Saul hier lors de la conférence de presse. Pour celui qui a été le premier Canadien à présider l'organisme, c'est clair : les mots sont des armes qui font trembler tous les régimes autoritaires.

«Et il faut arrêter de croire que la censure et la répression ne sont qu'une affaire d'extrémisme religieux. C'est une erreur qu'on fait souvent en Occident. Sur les 200 morts cette année, je dirais que 170 n'ont aucun lien avec la religion. Ce sont des présidents, des premiers ministres, des militaires, le privé, le crime organisé qui sont en cause», dit John R. Saul, qui dit avoir rencontré, en tant que président du PEN, un nombre incalculable de chefs d'État « étestables».

GRANDS NOMS

De la Tunisie à la Birmanie, du Mexique à l'Afghanistan, le PEN a des bureaux dans 110 pays. Lors du congrès de Québec - c'est seulement la deuxième fois de son histoire qu'il aura lieu au Canada -, au moins 250 délégués seront réunis pendant trois jours et discuteront d'enjeux comme la défense des LGBT, les droits d'auteur et la traduction, qui est le thème de la rencontre cette année.

En plus du congrès qui se déroule à huis clos pour des raisons évidentes de sécurité - dans de nombreux pays, les membres du PEN sont des cibles de choix  -, il y aura plusieurs activités, tables rondes et conférences mettant en vedette des grands noms de la littérature mondiale, canadienne et québécoise tels Margaret Atwood, Russell Banks, Dany Laferrière, Yann Martel, Joseph Boyden et Robert Lepage.

«Ce sera un grand moment», croit le président du PEN québécois, Émile Martel. Il a fallu trois ans pour organiser l'événement, qui aura lieu en même temps que le festival Québec en toutes lettres et coïncidera avec l'ouverture de la Maison de la littérature à Québec. «C'est vraiment un alignement des astres», estime le président de Québec en toutes lettres, Bernard Gilbert.

«Ce sera une rencontre étonnante entre la littérature québécoise, qui est si forte, et le monde, dit John R. Saul, qui aura fait deux mandats de trois ans au PEN, et dont le poste est brigué par trois candidates. Ce sera le moment de se faire voir d'une autre manière. Moi en tout cas, je serai fier de cette rencontre.»

QU'EST-CE QUE LE PEN ?

Fondé en 1921, le PEN est une association internationale d'écrivains qui défend la liberté d'expression écrite.

Plus de 25 000 écrivains, poètes, essayistes, historiens, dramaturges, blogueurs, traducteurs, scénaristes en font partie.

Quelques membres actuels : Salman Rushdie, Michael Ondaatje, Alice Munro, Umberto Eco, Liu Xiabo, Paul Auster, Michel Tremblay, Marie-Claire Blais.

Anciens présidents : H.G. Wells, François Mauriac, Arthur Miller, Mario Vargas Llosa.