Nommé depuis décembre 2013, l'écrivain Dany Laferrière a été officiellement reçu jeudi par l'Académie française dans le cadre d'une cérémonie hautement protocolaire où les «Immortels» ont reconnu le Montréalais d'origine haïtienne comme l'un des leurs.

Selon l'usage, le nouvel académicien devait rendre hommage à celui qui, avant lui avait occupé son fauteuil, le deuxième parmi quarante. Hector Bianciotti d'origine argentine aura été un premier «compagnon des Amériques» pour l'Académie de souligner Laferrière, citant largement un poème de Gaston Miron, «dans cette langue rugueuse qui fut autrefois celle des rois de France», a-t-il rappelé.

Toute l'assemblée, tassée dans l'hémicycle historique de cette société, fondée il y a 400 ans s'est levée et a spontanément ovationné le nouvel académicien, dès qu'il apparut, pour la première fois, dans son habit vert, brodé d'or. Tout l'apparat de l'institution était au rendez-vous. Comme le roi de France, il y a des siècles, le président François Hollande fut le dernier à arriver et le premier à quitter l'assemblée, une règle qu'a dû rappeler à la dernière minute «le secrétaire perpétuel» Hélène Carrère-d'Encausse.

À l'issue de la cérémonie, il a souligné «l'émotion très forte, je savais que tous les gens me regardaient et avaient beaucoup d'amour pour moi, je me suis dit: On peut mourir d'amour aussi!». Son prochain objectif? Il réplique, interloqué: «Je n'ai jamais d'objectif. Mon vieux rêve est d'être un homme sans projet, me glisser dans une baignoire rose, et ne plus savoir dans quel siècle je suis!»

Laferrière s'est défendu d'avoir peu parlé du Québec dans son allocution. «J'ai cité un poème de Miron... c'est tout dire! Ce poème Compagnon des Amériques disait exactement ce qui nous relie, Hector Bianciotti et moi». Il a rappelé ses premières heures montréalaises, «quand la neige est frémissante et que vous avec ce grand plaisir d'être dans une petite chambre quand il neige dehors, et que vous commencez à écrire un roman».

Dans un discours d'accueil pour le nouvel académicien, l'écrivain Amin Maalouf a levé le voile sur des aspects méconnus de la vie de Laferrière à Haïti. Son père, politicien sans parti s'était retrouvé maire de Port-au-Prince avant d'être relégué comme consul à Gênes. Il coupera progressivement les ponts avec la famille, et ce n'est qu'après sa mort, dans la solitude à New-York que l'écrivain reverra son père.

«Nous honorons un grand Québécois qui devient un grand être humain de la langue français universelle aujourd'hui» de souligner le premier ministre Philippe Couillard qui a interrompu une visite officielle à Rome pour assister à l'événement.

L'auteur «a réussi à traduire profondément ses deux identités, haïtienne et québécoise, il a réussi à exprimer ce que tous les humains partagent, l'exil, l'exil de l'enfance dont on vient ou revient un jour», a-t-il ajouté. La reconnaissance de l'écrivain québécois aura une puissante valeur de symbole auprès des jeunes prédit-il.

Présent à la cérémonie, invité par l'Académie, le chef péquiste Pierre Karl Péladeau a dit trouver «intéressant que le Québec soit honoré par un Québécois d'adoption. C'est l'illustration de ce sentiment d'ouverture que le Québec a toujours eu. C'est un moment inoubliable et très émouvant».