Conférences, ateliers, exposition, séances de signature: le Québec était l'invité d'honneur de la 45e édition de la Foire du livre de Bruxelles, en Belgique, qui se termine aujourd'hui. Quelque 45 auteurs québécois de romans, d'essais, de poèmes ou de bandes dessinées ont défilé pendant quatre jours dans la capitale belge, et les ventes de livres, à en voir la cohue au stand fleurdelisé, ne se sont jamais aussi bien portées outre-mer. La Pressea passé 24 heures en compagnie des auteurs et éditeurs québécois.

Vendredi, 13h

Salle comble. Il manque de sièges. Les gens s'entassent à l'arrière de l'espace «Forum», au coeur de l'immense Foire du livre de Bruxelles, qui se tient dans un ancien site industriel. La Montréalaise d'origine vietnamienne Kim Thúy, le Québécois natif d'Haïti Dany Laferrière et le bédéiste né à Nantes Cyril Doisneau sont venus parler de migration, d'écriture, de littérature, mais aussi de langue française. «Le français, c'est une langue dont on ne connaîtra jamais les fondements», soutient Dany Laferrière, auteur-vedette, même ici en Belgique, et nouveau membre de l'Académie française. «Ce métier, c'est la plus grande liberté possible, avec un seul devoir, séduire le lecteur», ajoute-t-il. Auteure de Ru de et Mãn, Kim Thúy raconte quant à elle comment, après avoir obtenu zéro dans un cours de création littéraire, elle s'est mise à l'écriture: parce qu'elle s'endormait aux feux rouges! La foule est comblée.

14h

La voix envoûtante de Natasha Kanapé-Fontaine résonne tout près du Café littéraire. «C'est un chant innu qui m'est venu lors de la marche des peuples pour la Terre Mère, en juin dernier, explique l'auteure de N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures. C'est un chant de gratitude, pour remercier le Créateur de nous avoir donné cette terre.» La jeune poète engagée intervenait dans un panel sur l'avenir des Premières Nations. Le public belge est-il réceptif aux problématiques autochtones? «Ils ne connaissent pas beaucoup le sujet, mais les gens sont intéressés», dit-elle. Au stand du Québec, les ventes vont bon train. «C'est au-delà de nos espérances, soutient Richard Prieur, directeur général de l'Association nationale des éditeurs de livres. On est débordés.» «Les gens débarquent avec des listes, parce qu'il y a beaucoup d'ouvrages qui ne sont pas disponibles en Europe, renchérit Louis-Frédéric Gaudet, éditeur chez Lux et président de Québec édition. Ils peuvent acheter pour 100 ou 150 euros de bouquins québécois.»

15h15

Michel Rabagliati aiguise ses crayons. En guise de dédicace, il fait un dessin original pour chaque personne qui vient à sa rencontre au stand du Québec. La file n'a pas dérougi depuis deux heures. «C'est surprenant, les gens me connaissent quand même beaucoup ici, dit-il, essoufflé, à l'issue de la séance. C'est le pays de la BD, les gens sont au courant.» Entre deux de dédicaces, celui qui a reçu en 2010 le Prix du public au festival d'Angoulême, pour Paul à Québec, est salué par la ministre québécoise de la Culture, Hélène David. «C'est extraordinaire, vraiment, souligne la ministre, à sa sortie de l'achalandé pavillon du Québec. On voit l'importance des auteurs québécois, l'importance reconnue dans la francophonie et internationalement.»

19h

Pendant que l'auteur de Sur le seuil, Patrick Senécal, signe des dédicaces au stand du Québec, à quelques pas de là, les représentants d'une maison d'édition belge, Kennes, arborent fièrement des chandails du Canadien de Montréal. «Nous sommes une jeune maison d'édition belge, explique l'éditeur Daniel Bultreys. Il y a une grande partie de notre catalogue qui est couleur Québec, et comme le salon du livre a cette année pour invité d'honneur le Québec, on s'est dit que ça pourrait être sympa de marquer notre identité québécoise, même si on n'est pas Québécois.» Kennes publie en Belgique, entre autres, Catherine Girard-Audet (la série des Léa Olivier) et Martin Michaud (Sous la surface).

20h20

Caroline Allard mime un 69, debout sur la petite scène du Café littéraire. L'auteur des Chroniques d'une mère indigne, de La Reine Et-Que-Ça-Saute (littérature jeunesse), mais aussi de Pour en finir avec le sexe, participe à une tribune sur le sexe. Avec Sophie Bienvenu et Eza Paventi, qui ont collaboré au recueil Nu, ainsi que Virginia Pésémapéo Bordeleau, auteure de L'amant du lac, elle discute littérature érotique, à l'heure où la plupart des enfants ont quitté la Foire du livre. Quelques auteurs continuent à signer des dédicaces au stand du Québec, mais la foule se disperse. On fermera finalement les livres, pour la nuit, à 22h.

Samedi, 10h10

La journée démarre tranquillement. Mais Ana Garcia s'active déjà à régler cinq ou six problèmes en même temps. «La Foire du livre existe depuis 45 ans et très vite, les Québécois ont été au rendez-vous», explique celle qui agit à titre de commissaire générale de l'événement. Avoir cette année le Québec à l'honneur était pour elle une façon d'honorer cet engagement constant, mais aussi de promouvoir la langue française, que partagent le Québec et la Belgique. «On a dû renforcer la quantité d'étagères parce qu'il y a beaucoup plus de livres qu'il y en a eu ces trois dernières années dans les pavillons internationaux, souligne Mme Garcia. Il y a un tel engouement, une telle énergie, c'est magnifique.» À côté du stand, une exposition présente neuf auteurs québécois, illustrés par neuf bédéistes ou illustrateurs. D'Anne Hébert à Natasha Kanapé Fontaine en passant par les Belles-soeurs de Michel Tremblay, les oeuvres littéraires servent d'inspirations aux dessins de Francis Desharnais, Jean-Paul Eid ou Rémy Simard.

12h

La foire du livre s'est remplie. Le pavillon du Québec aussi. Gabriel Nadeau-Dubois s'installe pour une troisième séance de dédicace (sur quatre). «Hier, je suis allé donner une conférence à l'Université catholique, à Louvain-la-Neuve, explique l'ex-leader étudiant, auteur de Tenir tête. Ç'a été organisé à la dernière minute quand ils ont vu que je venais ici, mais j'ai été très bien accueilli. Les étudiants savaient qui j'étais et connaissaient assez bien la mobilisation étudiante de 2012.» «J'ai même vendu tous les livres que j'avais apportés», ajoute-t-il.

13h-14h

Si les files sont longues pour une dédicace de Dany Laferrière ou Michel Rabagliati, c'est beaucoup plus tranquille pour les auteurs moins connus à l'étranger, comme Sophie Bienvenu (Et au pire, on se mariera). «C'est une belle leçon d'humilité», dit-elle en riant, très contente tout de même de son expérience belge. «Les gens ne s'arrêtent pas nécessairement pour notre livre, mais pour le kiosque en général, rétorque sa voisine de table, Mélissa Verreault, auteure de L'angoisse du poisson rouge. «Ce qui risque d'arriver, c'est que des gens qui connaissaient déjà Laferrière ou Rabagliati vont nous connaître parce qu'on était là en même temps qu'eux aux séances de signatures», ajoute-t-elle, philosophe. Patrick Senécal, lui, a rencontré sa plus grande fan belge. «Elle est en train de faire découvrir mes livres à tous les Bruxellois», raconte l'auteur en riant. «Je réalise à quel point nous sommes plus prêts de la sensibilité belge que française, dit-il. Les Français, je les aime bien, mais il y a une telle facilité avec les Belges. Chaque fois que je viens en Belgique, je suis surpris de voir comment on a une humeur commune.»