Quatre prétendants sont en lice pour le Goncourt, le plus international et le plus convoité des prix littéraires français, qui est attribué mercredi, avec deux favoris, l'auteur français à succès David Foenkinos et l'écrivain algérien Kamel Daoud.

Si Kamel Daoud était couronné pour Meursault, contre-enquête, ce serait le premier Algérien à décrocher ce Graal. Ce sacre interviendrait 60 ans après le début de la guerre d'Algérie, le 1er novembre 1954, alors que les relations franco-algériennes restent hypersensibles.

Dans la foulée de la proclamation du Goncourt, qui couronnera un marathon littéraire d'une semaine unique au monde, sera décerné le prix Renaudot pour lequel concourent cinq finalistes, dont l'écrivain Amélie Nothomb, traduite dans une quarantaine de langues à travers le monde.

Comme le veut la tradition depuis 1914, c'est du restaurant Drouant, au coeur de Paris, que sont annoncés les lauréats des deux prix, dans l'effervescence médiatique.

Connu dans le monde entier, le Goncourt reste le prix le plus prestigieux, consécration suprême pour un auteur et jackpot pour le lauréat et son éditeur.

Les critiques parient sur deux favoris: David Foenkinos, l'auteur de La Délicatesse, énorme best-seller au million de ventes, porté à l'écran, et l'écrivain algérien Kamel Daoud, auteur à 44 ans d'un premier roman virtuose, Meursault, contre-enquête, qualifié de «réussite exceptionnelle» et de «grand livre».

Le chroniqueur à la plume acerbe du Quotidien d'Oran donne la parole dans ce roman au frère de «l'Arabe» anonyme tué par Meursault dans L'Étranger d'Albert Camus (1942). Avec, en contrepoint, l'histoire récente de son pays et une critique politique féroce de l'Algérie d'aujourd'hui et du conservatisme religieux, «le mal du monde arabe», dit-il. C'est aussi une magnifique méditation sur l'identité algérienne.

Hommage à une jeune artiste assassinée

Si jamais «ce miracle» se produisait, relève Kamel Daoud, «ce serait un message fort adressé aux francophones qui ont réussi à autonomiser la langue française.»

Quant à David Foenkinos, il rend dans Charlotte un vibrant hommage à la jeune artiste Charlotte Salomon, assassinée à Auschwitz en 1943, dans un long chant narratif en vers libres.

Les Goncourt pourraient aussi choisir de sacrer une femme: Lydie Salvayre, avec Pas pleurer (Seuil), roman sur la guerre civile d'Espagne. Elle y entrelace la voix de l'écrivain Georges Bernanos et celle de sa mère, ex-réfugiée espagnole, l'universel et le particulier, le français et l'espagnol mêlés dans une langue hybride, le «fragnol». Quant à Pauline Dreyfus, elle raconte dans Ce sont des choses qui arrivent (Grasset), la Seconde guerre mondiale, du côté des aristocrates avec en filigrane la persécution des Juifs.

Si ce n'est pas le Goncourt, David Foenkinos pourrait décrocher le Renaudot. Il est l'un des cinq finalistes de ce prix, dont le jury reste souvent imprévisible et adepte des «coups».

Fera-t-il ainsi le choix de l'ultra-médiatique Amélie Nothomb, avec le picaresque  Pétronille ? La France, le champagne et l'amitié sont les héros de ce roman. Serge Joncour (L'écrivain national), Pierre-Yves Leprince (Les enquêtes de Monsieur Proust) et Jean-Jacques Moura (La musique des illusions), moins connus du grand public, sont aussi sur les rangs.

Le bal des prix littéraires français, un marathon unique au monde, s'était déjà ouvert le 30 octobre avec le prix de l'Académie française décerné à Adrien Bosc, jeune auteur français de 30 ans, pour Constellation, une captivante enquête sur l'écrasement légendaire où périt le boxeur Marcel Cerdan.

Il a été suivi par le Femina, qui a récompensé lundi l'Haïtienne Yanick Lahens pour Bain de lune, un roman sur son pays, traversé par les cataclysmes et l'opportunisme politique.

Le jury entièrement féminin a attribué le Femina étranger, décerné à un roman écrit dans une autre langue que le Français, à l'Israélienne Zeruya Shalev pour Ce qui reste de nos vies, une oeuvre sur l'amour et la famille.

Mardi, l'écrivain français Antoine Volodine a reçu le prix Médicis, pour Terminus radieux, une fresque sauvage et noire dans une Sibérie dévastée par les explosions nucléaires.

L'Australienne Lily Brett a obtenu pour sa part le Médicis étranger pour Lola Bensky, un beau portrait de femme, fille de rescapés de la Shoah, et émouvant hommage aux génies du rock des années 60 et 70.