L'incertitude domine avant l'attribution mercredi du Goncourt, le plus prestigieux des prix littéraires français, où les deux favoris sont David Foenkinos avec Charlotte, un best-seller plébiscité par la critique, et l'Algérien Kamel Daoud, auteur de Meursault contre-enquête.

Le bal des prix littéraires français, un marathon unique au monde, s'était déjà ouvert le 30 octobre avec le prix de l'Académie française décerné à Adrien Bosc pour Constellation, suivi cette semaine par le Femina et le Médicis qui couronnent chacun un roman français, un étranger et un essai.

Mais le Goncourt, consécration pour un auteur et gage d'envolée des ventes, reste le plus convoité de tous.

Deux femmes et deux hommes restent en lice: Pauline Dreyfus, Lydie Salvayre, Kamel Daoud et David Foenkinos.

«Aucune idée sur ce qui va se passer» lors du vote, confie à l'AFP l'un des dix jurés.

Néanmoins, vingt critiques littéraires interrogés par le magazine spécialisé Livres Hebdo donnent David Foenkinos gagnant, avec Charlotte.

L'auteur de La délicatesse (2010) rend dans ce long chant en vers libres un vibrant hommage à la jeune artiste Charlotte Salomon, assassinée à Auschwitz en 1943, avec une ferveur touchante et un bel effort d'écriture.

Camus revisité avec virtuosité

Face à ce «goncourable» de 40 ans à l'allure juvénile, les mêmes critiques soulignent la «réussite exceptionnelle» de Meursault, contre-enquête, premier roman virtuose de l'Algérien Kamel Daoud, 44 ans.

L'auteur, chroniqueur au Quotidien d'Oran, y donne la parole au frère de «l'Arabe» anonyme tué par Meursault dans L'étranger d'Albert Camus (1942), avec en contrepoint, l'histoire passée et présente de l'Algérie.

S'il couronnait ce roman exigeant, paru d'abord en Algérie, le jury jouerait une autre partie: la révélation d'un écrivain.

Les Goncourt pourraient aussi choisir de sacrer une femme: Lydie Salvayre, avec Pas pleurer, sur la guerre civile espagnole, ou Pauline Dreyfus avec Ce sont des choses qui arrivent, qui se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale, du côté des nantis. La dernière femme lauréate du Goncourt a été Marie N'Diaye en 2009.

Si ce n'est pas le Goncourt, David Foenkinos pourrait décrocher le Renaudot, dont le lauréat sera également annoncé mercredi. Il est l'un des cinq finalistes de ce prix, dont le jury reste souvent imprévisible et adepte des «coups».

Fera-t-il ainsi le choix de l'ultra médiatique Amélie Nothomb, avec le picaresque Pétronille? La France, le champagne et l'amitié sont les héros de son 23e roman. Serge Joncour (L'écrivain national), Pierre-Yves Leprince (Les enquêtes de Monsieur Proust) et Jean-Jacques Moura (La musique des illusions), moins connus du grand public, sont aussi sur les rangs.

Les pronostics s'avèrent également difficiles pour le Médicis qui sera annoncé mardi et qui aligne huit romans français et sept étrangers, dont la Canadienne Margaret Atwood. Se distinguent parmi les français, Éric Reinhardt, avec l'émouvant L'amour et les forêts, écarté du Goncourt, ou Laurent Mauvignier avec Autour du monde, un saisissant roman choral.

Pour leur part, les dames du prix Femina, qui avaient à départager cinq romans français et cinq étrangers, ont choisi lundi l'Haïtienne Yanick Lahens (Bain de lune) et l'Israélienne Zeruya Shalev (Ce qui reste de nos vies).

Paradoxalement, le livre de l'écrivain Emmanuel Carrère, Le royaume, une fresque captivante sur les débuts de la chrétienté, pourtant très remarqué par la critique et en tête des ventes, ne figure pas dans la sélection du Goncourt ni dans celle des autres prix littéraires.