C'est à Paris lors d'un voyage présidentiel que Nelson Mandela révéla à son entourage sa romance avec Graça Machel, ultime amour de sa vie que le prix Nobel sud-africain devait épouser le jour de ses 80 ans, se souvient son assistante dans ses mémoires parues jeudi.

Le livre Good Morning, Mister Mandela retrace la relation exceptionnelle nouée entre le héros de la lutte anti-apartheid décédé en décembre et sa secrétaire particulière Zelda la Grange.

Entrée à son service à 24 ans comme simple employée anonyme, cette grande Sud-Africaine blonde deviendra son indéfectible aide de camp au fil de dix-neuf années de collaboration et le témoin privilégié de la vie d'un des hommes les plus admirés de la planète.

«En 1996, raconte-t-elle dans l'ouvrage, le président m'avait demandé une fois de plus de l'accompagner, cette fois pour une visite d'État en France».

«J'étais enthousiaste d'avoir l'occasion de voir la France, évidemment, à cause de l'histoire de mes ancêtres», ajoute Mme la Grange, issue de la classe moyenne afrikaner, les descendants des premiers colons blancs, majoritairement néerlandais mais aussi des huguenots français.

La visite à Paris a finalement lieu en plein soleil de juillet, juste après une étape à Londres où Mandela, comme à Paris, courtise avec assiduité les industriels pour qu'ils aident son pays fraîchement passé aux mains de la majorité noire.

Comme à Londres, Mandela est reçu en grande pompe, il assiste aux festivités du 14 juillet et on le loge au château de Rambouillet et à l'hôtel de Marigny près de l'Élysée.

Mais le doux refrain de l'amour vient perturber le déroulement sans nuage de cette visite à Paris dont Zelda s'était fait fête : une dame rend visite à son patron.

«Je me demandais ce qu'elle faisait là», se souvient-elle, incapable alors de reconnaître la veuve de l'ancien président mozambicain Samora Machel, Graça, 50 ans à l'époque.

Présence lumineuse 

La nervosité de Zelda tourne à la panique quand elle constate, tétanisée, que la porte de la suite présidentielle où Mandela a pris ses quartiers, se referme, laissant le président seul avec la dame, en infraction avec les règles du protocole.

«Je savais que c'était interdit - qu'une porte soit fermée quand il était seul avec une femme. J'ai foncé chez Parks Mankahlana, le porte-parole de la présidence et la voix paniquée, je lui ai annoncé que la porte était fermée et qu'il y avait une femme dans la pièce», dit-elle. «Ce fut l'une des rares occasions où Parks s'est agacé avec moi et m'a dit 'laisse tomber'. Ce que je fis».

Peu après, juste avant de partir pour la réception officielle, Mandela devait présenter Graça à Zelda en disant: «C'est tantine Graça Machel. C'est mon amie», raconte le livre.

Ce soir-là, Zelda reçut comme consigne de ne plus lâcher Graça d'une semelle.

Au retour en Afrique du Sud le 17 juillet, l'affaire s'ébruite et c'est à nouveau un choc pour Zelda, dévorée par la crainte «que quelqu'un puisse penser que c'était (elle) qui avait fait fuiter ça dans les médias».

«Mais Parks m'a dit plus tard que la fuite avait été délibérée», ajoute-t-elle dans le livre.

Cette année-là, Mandela fêtait ses 78 ans et il venait de tourner une page douloureuse de sa vie personnelle, divorçant d'avec la flamboyante Winnie Madikizela-Mandela, sa deuxième épouse et égérie de la lutte anti-apartheid pendant ses 27 années de détention.

Dans son livre, Zelda rend un hommage appuyé à Graça Machel, ultime soutien de son patron lorsqu'il a commencé à ployer sous le poids de l'âge, présence «lumineuse», «son véritable roc», a-t-elle souligné sur l'antenne de 702 jeudi. «Il suffisait qu'elle quitte la pièce pour qu'il dise 'où est maman?'».

Avant Graça, «sa vie tournait autour de la politique et c'est un monde de solitude» tandis qu'au retour de Paris, «il était amoureux, ça se voyait, il était tout le temps de bonne humeur», s'est remémoré Zelda.

Le livre fourmille d'anecdotes de la sorte dont l'éditeur britannique Penguin a laissé filtrer les feuilles les plus polémiques dimanche dernier pour en assurer le lancement, notamment la description des chamailleries de la famille Mandela durant la longue agonie de leur père l'an dernier et le manque d'égards de sa fille aînée, Makaziwe, envers Graça.