Voici cinq recueils très différents les uns des autres. Cela montre bien la taille de la bête lumineuse poétique au Québec. Quelque part entre sagesse et fureur.

Louise Warren reprend le fil de son écriture là où elle l'avait laissée avec son recueil précédent, Anthologie du présent.

Chaque mot évocateur est pesé, soupesé, mais sans lourdeur. C'est même dans la simplicité complète et profonde que la poète atteint cet équilibre presque parfait avec Voir venir la patience.

Il s'agit d'un dialogue avec la nature environnante, celle qui chatouille la sensibilité de l'artiste dans ce qu'elle a de plus intime. Les images sont claires, les émotions douces ou fortes, selon le moment du jour ou de l'année.

Malgré les inquiétudes, malgré les noeuds et les tremblements, dans la patience de la nuit et la sagesse assumée, Louise Warren se retrouve et nous éblouit encore une fois.

Il y a un peu de cette sérénité chez Joanne Morency. Elle présente Ce bruit de disparition, au sujet de la survie malgré les ruptures, une suite en quelque sorte à son magnifique Le corps inachevé, à propos de la mort de la mère.

Là aussi, la nature est omniprésente, rassurante, dans un pays innommé, mais où l'on joue au «paradis ordinaire». Cette quiétude fait ainsi du bien à l'âme «complètement lisse».

Même si l'avenir était dangereux, on continuera de voter, comme Johanne Morency, pour «l'illusion la plus parfaite». Vivre, c'est cela aussi.

Planète homme

Stéphane Jean possède une voix originale. Celle de la métaphore poétique. La patience des labyrinthes est un recueil qui gagne à la relecture tellement le propos est protéiforme.

Certaines images laissent à désirer, mais, pour peu qu'on se laisse porter, cette rythmique répétitive, à la Philip Glass, est peuplée de toutes sortes de choses finement liées entre elles, de constellations où l'on peut lire à la fois beauté et tristesse.

M. Jean sait relier l'intime et le personnel à la marche du monde, aux vibrations des choses, et à la violence ambiante.

De son côté, Nicolas Lauzon court «après un mythe en perte de mystère». L'héritage du mouvement, recueil d'Amérique et de bêtes sauvages, avance parmi les «repères du genre humain» dans un road story allant du nord de l'Ontario à Londres, en passant par l'Outaouais.

Les facilités - Je bande/Entre deux cantouques - côtoient des images plus poignantes. Il y a là, tout de même, une musique indéniable et un souffle prometteur si le poète peut arriver à transcender ses influences et à se faire confiance un peu mieux.

De cette vision masculine un peu trash à la fureur d'Hélène Monette, il y a un pas que nous franchirons.

Une poésie sociale, engagée qui parle de chiffres? Oui, c'est possible. La poète le démontre admirablement dans Où irez-vous avec vos chiffres?

Ce qu'elle nous dit? Dans la société de marché, il n'y a pas de petites denrées. On est tous un produit manufacturé. Un bill à payer. On se prostitue plus que jamais. Pour un rien au royaume des bas prix.

Sa dénonciation arrive à poings nommés, ceux d'une colère, néanmoins maîtrisée, face aux haines idiotes, aux préjugés et à l'exclusion.

Même si on peut y voir dépasser quelques brins manichéens, ce livre brûlant d'Hélène Monette était nécessaire. C'est un appel à la paix, à la tolérance, à la poésie.

À lire et relire. Aujourd'hui, maintenant.