L'équipe des pages Lecture de La Presse a parlé d'un nombre incalculable de livres en 2013. Lesquels sont restés imprimés dans nos mémoires? Voici, toutes origines confondues, les romans - divisés en trois catégories: des gens, des lieux, des voix -, les essais, les livres jeunesse, les polars et les bd qui ont retenu notre attention et qui se sont révélés, selon nous, les meilleures lectures de l'année.

DES CASES ET DES BULLES

Voici la fin de notre palmarès de fin d'année avec notre sélection de bédés qui, par leur maîtrise, leur humour et leur intelligence, nous ont le plus allumés en 2013.

> Le décalage de Marc-Antoine Mathieu (Delcourt)

Quoi? Sixième aventure de Julius Corentin Acquefacques, «oniromane» constamment projeté dans des scénarios abracadabrants qui se jouent des codes de la bédé. Cette fois-ci, il a manqué le début de l'histoire.

Pourquoi? Peu d'auteurs jouent et interrogent les codes de la bande dessinée comme Marc-Antoine Mathieu ose le faire. Encore une fois, le trucage narratif transporte le scénario. L'errance des personnages, ici, évoque la métaphysique absurde d'En attendant Godot de Beckett.

> Les deuxièmes de Zviane (Pow Pow)

Quoi? Deux amoureux clandestins se retrouvent en marge du cours normal de leur jour pour manger, baiser et jouer de la musique. Un livre de passion et de silences, avec une touche d'humour gamin.

Pourquoi? Zviane est l'une des jeunes bédéistes les plus douées. Les deuxièmes n'est pas tant une réflexion sur l'infidélité que sur l'attachement. Mais rien n'est jamais lourd chez elle ni dans le ton ni dans le dessin. Elle passe ici de la gravité au sexe ludique avec une maestria exemplaire.

> L'Amérique ou le disparu de Réal Godbout, d'après Kafka (La Pastèque)

Quoi? Le dessinateur de Red Ketchup adapte L'Amérique, l'un des romans inachevés de Kafka. Son antihéros, Karl Rossman, a une chance inouïe lorsqu'il débarque à New York, il rencontre un oncle riche. La suite sera comme une partie du jeu de serpents et échelles...

Pourquoi? Godbout met son art au service d'une oeuvre complexe, à la fois satire du monde du travail et du rêve américain. Il multiplie les clins d'oeil (à Chaplin, à Orson Welles, etc.) et propose une oeuvre qui a du ressort, tout en respectant l'esprit de Kafka.

> Le désert des miroirs de Frederik Peeters (Gallimard)

Quoi? Avant-dernier tome de la série aâma (primée à Angoulême en janvier) qui raconte l'étrange et fantastique quête de Verloc Nim pour une substance (ou un être?) appelée aâma. L'avancée du héros et de sa petite bande est ponctuée d'expériences troublantes, mais peut-être révélatrices...

Pourquoi? Le monde organique et onirique inventé par Peeters est complètement déroutant et son récit suggère des pistes de réflexion intéressantes sur la technologie et l'évolution de l'espèce humaine. aâma possède également un côté métaphysique qui fait penser à l'Incal, chef-d'oeuvre de Jodorowsky et du regretté Moebius.

> Poulet grain-grain de Alexandre Fontaine-Rousseau et François Samson-Dunlop (La mauvaise tête)

Quoi? Bouleversé par un documentaire sur l'abattage des poulets d'élevage, un citadin entraîne un ami dans son projet d'élever une volaille heureuse et libre. Or, leur retour à la terre ne se déroulera pas comme prévu...

Pourquoi? Délicieusement bavard, fantastiquement absurde et plein de trouvailles visuelles, ce petit livre est un plaisir de tous les instants. On savoure les joutes verbales et les nombreux clins d'oeil inspirés de ces deux auteurs allumés qui maîtrisent fichtrement bien le deuxième degré.