Malgré un environnement toujours difficile, les libraires européens résistent face à la concurrence de la vente à distance sur internet, grâce à la renaissance des indépendants et la mise en valeur de leur savoir-faire.

«Le constat est le même partout: c'est difficile. La France est l'un des seuls pays en Europe, avec l'Allemagne, qui réussisse à endiguer la baisse du marché du livre», affirme Mathieu de Montchalin, président du syndicat national des librairies françaises, qui participait jeudi à un rassemblement européen du secteur sur la Foire du livre de Francfort.

«On constate toutefois que les indépendants tirent mieux leur épingle du jeu que les chaînes. Les indépendants réussissent à maintenir leur clientèle et leur chiffre d'affaires est stable, même s'il ne progresse pas», ajoute-t-il.

L'érosion du marché du livre perdure certes, mais les ventes sur internet progressent moins vite que par le passé, permettant aux librairies traditionnelles de limiter la casse. Les 20 000 points de vente dans l'Hexagone, qui comptent 2500 librairies proprement dites, ne diminuent pas, affirme le syndicat des libraires.

Côté allemand, le chiffre d'affaires des librairies s'est légèrement amélioré de 0,9% de janvier à septembre par rapport à l'an passé, faisant un peu mieux que les 0,8% affichés par l'ensemble des canaux de distribution, selon l'Association des libraires et éditeurs allemands. Selon son président, Gottfried Honnefelder, «ce n'est pas une différence très grande, mais c'est une tendance».

La santé des commerçants du livre n'en reste pas moins précaire. En France, comme dans 10 autres pays européens aujourd'hui dont l'Allemagne, leur survie doit beaucoup à la législation, qui impose aux livres neufs un prix unique fixé par l'éditeur.

«Si sous la pression des grands distributeurs de l'internet comme Amazon, Apple et Google, cela est sacrifié durant les négociations de libre-échange entre la Commission européenne et les États-Unis, le pouvoir de l'argent va prendre l'ascendant sur l'intellect. Cela signerait le coup de grâce pour les librairies traditionnelles», assure M. Honnefelder.

Modèle français

De nouvelles initiatives de soutien ont vu le jour ces derniers mois. Les députés français ont adopté à l'unanimité le 3 octobre une proposition de loi visant à interdire aux opérateurs de commerce en ligne le cumul de la gratuité des frais de port du livre avec une remise autorisée de 5%.

L'idée fait également son chemin ailleurs. «Nous regardons la France comme un exemple dans beaucoup de domaines», avait déclaré mardi Jürgen Boos, directeur de la Foire du livre de Francfort. «Nous pouvons apprendre beaucoup de la France», a-t-il estimé.

Par ailleurs, une centaine d'indépendants régionaux français se sont regroupés au sein de la plateforme internet Leslibraires.fr, permettant de rendre visible les 750 000 références que comptent leurs stocks et d'offrir un service de livraison aux clients.

Plus atypique, un groupement d'éditeurs, de libraires et d'auteurs, baptisé Books are my bag a lancé depuis mi-septembre une campagne à travers le Royaume-Uni et l'Irlande, vantant les mérites de la librairie. «Cinquante-six pour cent de toutes les décisions d'achats sont faites par des consommateurs dans des librairies et les boutiques de rue, les chaines et les indépendants, écoulent encore presque 40% des livres vendus aux clients», affirme ce groupement.

En France, «2014 sera une année destinée à mieux faire connaître les spécificités du métier au grand public, en mettant en avant nos différences en matière de conseil et de proximité, et à aider les libraires a plus entrer dans le numérique», les ventes en ligne ne représentant à ce jour que 1 à 2% de leur chiffre d'affaires, avance M. de Montchalin.