Pour la Saint-Valentin, l'équipe de Lecture a puisé dans sa bibliothèque pour vous proposer non pas des romans d'amour, mais des livres qui explorent 10 différents fragments du discours amoureux.

AMOURS ADOLESCENTES

Les carnets de Douglas. Christine Eddie. Alto, 2007.

Deux adolescents ont quitté leurs familles respectives pour se réfugier dans la forêt. Leur rencontre se transformera en un premier amour profond et fusionnel qu'ils vivront à l'abri du monde, au coeur de la nature. Si cette tentative d'autarcie connaîtra une issue dramatique, les suites seront toutefois belles et solides. Un premier roman qui pourrait frôler le pathos si ce n'était de l'écriture poétique, gracieuse et épurée de Christine Eddie et de la grande humanité qui s'en dégage.

Extrait Les carnets de Douglas : «Pour Éléna, Douglas déverrouilla son âme. Timidement d'abord, puis avec confiance, comme une fenêtre qui s'ouvre lentement sur la mer. Il vida devant elle ses vieux tiroirs, laissant s'envoler ses craintes, une à une, libérées du tourment où il les avait tenues enfermées. Il dépoussiéra sa solitude. Avec l'aide de Mozart, de Liszt, de Schumann et de Debussy, il lui fit cadeau d'une tendresse empreinte de grâce. »

LA PEINE D'AMOUR

Les cascadeurs de l'amour n'ont pas droit au doublage. Martine Delvaux. Héliotrope, 2011.

Un coup de foudre entre une Québécoise et un Tchèque. Il quitte son pays pour la suivre. Dès lors, c'est l'affrontement: il refuse ce Nouveau Monde qu'il méprise. Il repart. De Rome, où elle est allée soigner sa peine, la narratrice lui écrit une ultime lettre dans laquelle elle fait l'autopsie de leur relation et coupe tous les ponts, une lettre dont la violence est à la mesure de sa souffrance.

Extrait Les cascadeurs de l'amour n'ont pas droit au doublage : «Tu te plaisais à dire que tu étais le fils de Staline. Je me dis maintenant que tu étais aussi le fils d'Hitler.»

LA TENTATION DE L'ADULTÈRE

Le droit chemin. David Homel. Actes Sud/Leméac, 2010.

Un prof d'université marié en crise existentielle, une étudiante enrobée d'une aura de mystère. On pense qu'on connaît déjà l'issue de l'histoire, mais le héros du Droit chemin résistera bravement à la tentation. Avec sa plume vivante et son imagination débordante, David Homel est rarement où on l'attend, et il propose cette fois une intéressante réflexion sur l'amour et l'engagement contre le passage du temps. Et bien plus encore.

Extrait Le droit chemin : «Elle s'adressait à lui d'une voix grave, empreinte de sollicitude et d'un soupçon de condescendance, comme s'il était son amant, qu'elle l'avait sottement pris dans son lit, qu'il s'était mis à lui causer des problèmes et qu'elle se voyait obligée de lui montrer la porte. Ce n'est pas difficile: aime-moi ou va-t-en. Je ne veux plus rester divisée comme ça, à attendre que tu te décides entre tous les morceaux de ta vie. Et on dirait que tu en as beaucoup.»

L'INFIDÉLITÉ

Les bonnes personnes. Véronique Papineau. Boréal, 2011.

Charlotte est une jeune professionnelle célibataire. Paul est un musicien marié et père de deux enfants. Même s'il en a les apparences, Les bonnes personnes ne suit pas le canevas classique de la chick lit - il commence avec la rupture et raconte l'histoire d'amour à rebours - et s'intéresse sans juger autant au point de vue de la maîtresse que de l'amant. Si le ton reste léger, l'auteure n'a pas peur d'utiliser des teintes plus sombres, qui alternent brillamment avec le pétillement amoureux et qui donnent au livre beaucoup de profondeur.

Extrait Les bonnes personnes : «Étendu sur mon lit, dans ma chambre, à des kilomètres de toi, j'ai compris que, en fait, j'ignorais ce que tu attendais de moi. Tu ne m'avais rien demandé, ni de quitter ma femme ni de rester ton amant. Tout ce qui me revenait en tête, c'était que, par deux fois, tu avais dit : Je ne sais pas. Tu ne savais pas, et je savais de moins en moins.»

DES ÂMES SOEURS QUI S'IGNORENT

La nuit des morts-vivants. François Blais. L'Instant même, 2011.

Molie et Pavel partagent une passion pour les films de série B et la malbouffe, vivent la nuit, sont légèrement asociaux, n'ont même jamais quitté leur Grand-Mère natal. Les lecteurs romantiques ne pourront s'empêcher de rêver à une rencontre fortuite. Mais on est chez François Blais, maître du défaitisme et de l'humour grinçant, et les deux personnages se frôleront sans jamais se toucher. Dommage, mais probablement beaucoup plus proche de la réalité...

Extrait La nuit des morts-vivants : «Il n'y avait aucun risque en passant devant le Vidéotron j'ai vu que c'était le chevalier Jedi qui bossait tiens tant qu'à passer la nuit debout pourquoi ne pas se louer quelques vues j'ai pris The Burning et Madmen deux slashers de la belle époque au moment de payer le Jedi m'a dit savais-tu que tu avais des admirateurs ah bon oui oui l'autre jour quand tu as loué ces trois films de cannibales deux de mes bons clients se sont informés de l'identité du locateur évidemment je n'ai pas dévoilé l'information mais quand j'ai dit qu'il s'agissait d'une jolie demoiselle ça les a rendus rêveurs.»

L'AMOUR HEUREUX

La tournée d'automne. Jacques Poulin. Leméac, 1993.

Jacques Poulin a déjà dit qu'imaginer un amour qui coule heureusement était la voie la plus difficile en littérature. L'auteur de Volkswagen Blues y parvient pourtant avec une grande finesse dans ce roman qui raconte la rencontre d'un chauffeur de bibliobus avec une belle dame nommée Marie, deux êtres qui ont vu neiger et comprennent la fragilité de l'existence. Une histoire bercée par un climat de tristesse, avec en filigrane le territoire géographique et littéraire québécois et le lien amoureux qui se noue entre deux âmes à l'automne de leur existence.

Extrait La tournée d'automne : «On se sent très bien, chez vous, dit Marie. C'est comme une petite maison. On est à l'abri, les livres nous protègent... En plus, on a une fenêtre qui donne sur le ciel. Il suivit son regard, qui était levé vers la lucarne, mais on ne voyait presque rien à cause de la veilleuse. C'est vrai que les livres nous protègent, dit-il, mais leur protection ne dure pas éternellement. C'est un peu comme les rêves. Un jour ou l'autre la vie nous rattrape.»

L'AMOUR QUI DURE

Les vaisseaux du coeur. Benoite Groulx. Grasset.

Le récit improbable (et pourtant authentique) d'une histoire d'amour entre une intellectuelle féministe parisienne et un marin breton traditionnaliste, chacun marié de son côté, mais dont la relation adultère durera 30 ans, entre voyages (notamment à Montréal!), divorces, métiers.... Avec toujours entre eux cette union charnelle unique, profonde, sacrée. Le livre le plus poétique de l'auteure d'Ainsi soit-elle.

Extrait Les vaisseaux du coeur : «Je ne sais plus lequel des déchirants poèmes de Leonard Cohen nous fendait l'âme cette nuit-là, «Let's be married one more time» ou «I cannot follow you, my love», quand la chose a commencé. Je me souviens seulement que j'étais debout devant la fenêtre, appuyée à Gauvain, et que nous regardions les premières neiges de l'automne voleter en tous sens devant la vitre. Nos visages se touchaient, mais ne s'embrassaient pas. Et soudain, nous nous sommes trouvés ailleurs.»

L'AMOUR APRÈS BÉBÉ...

Rosa Candida. Audur Ava Olafsdottir. Zulma, 2011.

C'est vrai que l'arrivée d'un enfant bouleverse tout dans un couple. Souvent pour le mieux, quoi qu'on en dise. Un jeune homme ingénu, sans attache, quitte son Islande pour remplir une seule obligation: faire pousser une rose qu'on croyait à jamais disparue dans un jardin de monastère (en Italie, même si ce n'est jamais écrit). Or, grâce à l'amour qu'il éprouve pour la petite fille qu'il a conçue involontairement, il va devenir adulte, responsable au sens noble du terme, véritablement humain. Un livre quasi miraculeux sur l'amour paternel sous toutes ses coutures.

Extrait Rosa Candida : «Avant de retourner à la maison, je coupe un bouquet de roses pour l'emporter. En descendant le sentier, la petite sur les épaules, je me dis qu'il faudrait que je pense à demander la prochaine fois à frère Gabriel la recette de la soupe aux légumes.»

LE DEUIL

L'homme-joie. Christian Bobin. L'Iconoclaste, 2012.

Dans son récent recueil de textes méditatifs, le poète du quotidien parle de son père atteint d'alzheimer, de Glenn Gould, du peintre Soulages... Mais la pièce centrale en est Lecarnet bleu, une longue lettre d'amour envoyée en 1980 à sa femme, la plus que vive, à qui il a rendu hommage dans le livre du même nom. Dans la prose fragmentée qu'on lui connaît, Christian Bobin aborde aussi le deuil d'un ami qui ne parvient plus à lire après la mort de sa femme.

Extrait L'homme-joie : «Cherchant son épouse dans les ténèbres, il ne trouve que lui. Je comprends sa méfiance devant l'écriture. La souffrance de notre amour est encore notre amour, l'empêche de glisser au noir comme l'y feraient glisser les affreuses consolations.»

L'AMOUR AU-DELÀ DES PRÉJUGÉS

Pavillon de femmes. Pearl Buck. Livre de poche, 1946.

Première Américaine à avoir reçu le prix Nobel de littérature et le prix Pulitzer, féministe, antiségrégationniste, auteure de 70 livres, Pearl Buck (1892-1973) a vécu en Chine de l'âge de 3 mois à 40 ans. Pavillon de femmes relate l'histoire de Mme Wu, épouse et mère de 40 ans dans une grande famille chinoise traditionnelle, qui découvre l'amour grâce à un prêtre étranger, en Chine, pendant la Seconde Guerre mondiale. Un livre franchement fabuleux, sans une ride, sur l'amour au-delà des préjugés, mais aussi l'amour platonique, l'amour à tous les âges, l'amour spirituel et l'amour immortel.

Extrait Pavillon de femmes : «Elle ne pouvait pas entendre sa voix, mais elle se sentit tout à coup certaine qu'André l'aimait. Sa qualité de prêtre dressait entre eux un mur, à l'abri duquel, de son vivant, il l'avait aimée. À présent, il n'était plus prêtre ; le mur avait disparu. Aucune raison pour que, sans attendre cet appel, il ne pût pénétrer dans son esprit. Son corps à lui était mort, mais grâce au sien, à elle, ils pourraient vivre réunis.»