Dans le sillage du succès de la trilogie érotique Fifty Shades of Grey, la littérature coquine s'affiche à la Foire du livre de Francfort, séduisant un lectorat majoritairement féminin mis à l'aise par la discrétion que permettent les livres électroniques.

Sombres désirs, La soumise parfaite, La température monte, les titres des ouvrages de la maison d'édition britannique spécialisée - au nom non moins évocateur, Xcite - ne laissent guère de doute sur le contenu de ces textes.

Ils s'affichent pourtant sans vergogne dans les allées du plus grand évènement mondial de l'édition, profitant d'un regain de vitalité dû au développement des livres électroniques.

Le roman érotique «est un genre idéal pour l'e-book», juge Peter Ferris, actionnaire d'Accent Presse, maison-mère d'Xcite, qui publie sous un autre label des polars et des livres de recettes.

«Les ventes de nos livres imprimés commençaient à décliner. Être présents dans les grandes librairies était compliqué, certaines voulaient bien de nous, d'autres non. Atteindre les clients était très difficile», se souvient-il.

Et puis il y a eu Fifty Shades of Grey. La trilogie érotique autour d'une relation sadomasochiste entre une étudiante de 22 ans et un homme d'affaires de 27 ans s'est vendue par dizaines de millions d'exemplaires.

Depuis, «nous avons constaté une forte hausse des ventes de livres électroniques», explique M. Ferris. Ce livre «a stimulé l'intérêt des lecteurs pour l'érotisme. Il a rendu cela plus grand public, plus acceptable. Ce n'est plus quelques chose dont on n'ose plus parler puisque c'est dans les meilleures ventes».

Xcite s'attend à vendre trois fois plus d'e-books que de livres imprimés cette année.

Un phénomène observable partout, même dans des marchés encore relativement étroits, comme l'Allemagne où l'e-book ne représente que 2% du marché, contre environ 13% en Grande-Bretagne, et 20% estimé aux États-Unis en 2012.

«Nous avons vendu cette année beaucoup de livres électroniques, sans faire beaucoup de publicité. Cela nous a beaucoup surpris», avoue même Jolanta Gatzanis, éditrice d'ouvrages érotiques au sein de la société qui porte son nom.

En Allemagne, pas moins de 4000 références de livres pour adultes sont déjà disponibles sur internet, mais avec un niveau de qualité très inégal, remarque Roman Jansen-Winkeln, de l'entreprise de service aux éditeurs et aux auteurs Satzweiss.

«Il y a des contenus de grande qualité, mais énormément de livres très médiocres qui n'auraient jamais été imprimés. Un peu comme dans les polars. Mais si un mauvais polar peut encore être assez distrayant, il n'y a rien de pire que de la mauvaise littérature érotique», déplore-t-il.

Les acteurs du secteur s'accordent aussi sur la très grande prédominance des femmes dans la clientèle, chiffrée à plus de 80% par M. Jansen-Winkeln.

«On ne sait jamais avec certitude le sexe de nos clients», tempère M. Ferris, mais «l'écriture elle-même est faite pour les femmes et les auteurs sont très majoritairement des femmes, qui écrivent pour les femmes».

En outre, «dans les salons du livre auxquels je participe, comme Londres ou Francfort, ce sont le plus souvent des femmes qui s'arrêtent pour jeter un oeil sur nos livres», ajoute-t-il.

Des lectrices à qui ne manquait que la discrétion offerte par les liseuses électroniques, estime Giada Armani, qui dirige elle aussi une maison d'édition de livre érotiques appelée Giadas.

«Je crois que les femmes ont toujours voulu lire de la littérature érotique. Mais quelle femme brandit un livre érotique dans le métro ou au travail, dont la couverture montre la silhouette d'un homme nu?», interroge-t-elle.

«Les livres se téléchargent de n'importe où, de votre lieu de vacances, de chez vous... Et vous pouvez les effacer une fois lus, pour que personne ne sache», renchérit M. Ferris.