Étoile de l'art contemporain québécois, Marc Séguin publie cet automne son second roman, Hollywood, après avoir surpris tout le monde il y a deux ans avec La foi du braconnier - finaliste au Prix des libraires et lauréat du Prix littéraire des collégiens. «Mais je n'ai pas décidé d'écrire, tient-il à dire d'emblée. Je n'ai surtout pas de plan de carrière.»

D'abord lecteur avide «déçu de l'offre», Marc Séguin s'est lancé dans chaque livre sans plan précis et s'est laissé «prendre au jeu». «J'ai aimé voir se déployer une histoire devant moi, que les personnages viennent à moi, plutôt que d'avoir à raffiner une idée comme lorsque je fais un tableau.»

Dans Hollywood, fable volontairement tirée par les cheveux dans laquelle se croisent, pour le meilleur et pour le pire, les destins d'un informaticien amoureux d'une jeune Bosniaque, d'un couple d'anciens hippies et d'un astronaute suicidaire, il dresse un portrait sombre du monde dans lequel on vit. Comme dans ses peintures d'ailleurs, qui choquent et brassent ceux qui les regardent. «J'ai horreur du divertissement, admet-il. Mais je m'amuse dans la vie, ne vous inquiétez pas. On peut être tragique et lumineux à la fois. C'est plus sain qu'une personne drôle qui passe ses soirées roulée en boule dans son salon! J'en connais des comme ça... De toute façon, j'ai quatre enfants, c'est aussi une décision réfléchie, une projection dans l'avenir, pour la survie de l'espèce.»

Quoi qu'il en soit, Marc Séguin, qui «rêve parfois de divorcer de l'humain», n'écrit pas pour rien. Parce que la vie n'est pas un jardin de roses, son objectif reste le même qu'en peinture: bousculer, réveiller, shaker. «Ça me brûle de dire. Je ne laisserai pas le feu s'éteindre, je vais mettre des bûches dans le poêle.» On n'est jamais aussi extraordinaire que ce qu'on nous a dit quand on était petit, c'est d'ailleurs le grand constat de Hollywood. «Ce n'est pas drôle d'être lucide», croit-il.

Si Marc Séguin n'a pas «choisi» la littérature, il est conscient d'utiliser deux médiums «qui entrent dans l'intimité des gens». Mais les codes en sont différents, les mots permettant par exemple une plus grande précision. «On peut être plus circonscrit. Dans un livre, il faut prendre le lecteur par la main, l'amener de la page 1 à la page 200. Un tableau, on peut y entrer par où on veut, passer le temps que l'on veut devant.»

Marc Séguin apprécie aussi l'aspect «démocratique» de la littérature, lui dont les tableaux se vendent maintenant à prix fort sur le marché de l'art américain. «Les tableaux sont accessibles dans les galeries, mais lorsqu'ils sont achetés, ils se retrouvent dans un salon. Avec les livres, pour 20$, on entre chez les gens.»

Encouragé par la réception du public et de ses éditeurs - «Je ne suis pas fait en bois» -, Marc Séguin jure qu'il n'a pas de nouveau roman en route, et qu'il n'écrira pas tant qu'il n'aura pas une nouvelle idée. «Ce n'est pas mon genre de m'asseoir pour écrire. Je travaille sans savoir où je m'en vais, je m'arrête en chemin, je reprends sans me relire... C'est la façon que j'ai trouvée pour être le plus vrai possible. Je dirais que mon travail est assez brut.»

Son métier premier reste tout de même la peinture - «C'est tout ce que je sais faire» -, et il rigole en constatant que beaucoup d'écrivains se font une idée romantique du travail de peintre. «Ils fantasment sur l'instantanéité du geste. Mais entre le flash qu'on a et son exécution, c'est souvent très long!» Par contre, les bons écrivains sont en général de bons observateurs. «Les meilleurs sont ceux qui voient, qui absorbent la réalité comme des éponges.»

Pour l'instant, donc, Marc Séguin ne sait pas de quoi seront faits les prochains mois. «Mais une chose est sûre, dit-il en se penchant au-dessus de la table, un léger sourire aux lèvres. Je ne ferai jamais d'album de Noël.»

Hollywood, de Marc Séguin. Leméac, 160 pages