Un an à peine après L'écrivain de la famille, Grégoire Delacourt revient en force avec un roman à faire rêver et grincer des dents.

Gagner à la loto, ça ne change pas le monde, mais... ça peut bouleverser ses valeurs, mettre en péril ses relations, même les plus intimes.

Jocelyne, 47 ans, mère de deux enfants et d'un petit fantôme (une fillette qu'elle a perdue à la naissance), en a la conviction. Simple mercière qui s'est toujours satisfaite de peu - tenir son blogue (dixdoigtsdor), choyer son mari et ses enfants et, à l'occasion, faire des petites folies, comme s'acheter «du Bemberg, quelques sangles polypropylènes, des serpentines coton croquet et des pompons perles» -, Jocelyne sait que «le bonheur coûte moins de 40 euros». C'est donc dans le plus grand secret qu'elle prendra le train jusqu'à Boulogne-Billancourt, où la Française des jeux lui remettra les 18 547 301 euros et 28 centimes qu'elle a gagnés. Même son mari n'en saura rien. Qui sait, il risquerait de ne plus l'aimer que pour son argent.

Deuxième roman de Grégoire Delacourt, La liste de mes envies est une petite merveille de passion contenue, de ferveur souterraine. Après un premier roman à saveur autobiographique, L'écrivain de la famille (2011, prix Marcel Pagnol et prix Carrefour du premier roman), l'homme né en 1960 à Valenciennes a voulu changer de registre, enfiler la robe de tous les jours d'une femme ordinaire au destin extraordinaire. L'idée a séduit. Avant même que le roman soit publié, les droits de La liste de mes envies ont été vendus à 12 pays. En France, le roman a largement dépassé les 50 000 exemplaires vendus. Pourtant, Jocelyne n'a rien d'une héroïne flamboyante. Elle a une petite vie dans une petite ville, n'est ni très belle, ni très mince, ni très jeune. «Je crois que ce qui fait le succès de ce roman, avance l'auteur, c'est qu'il raconte une histoire qui laisse de la place aux gens. C'est un livre que j'ai voulu très accessible, pas compliqué - bien que les sentiments qu'il recouvre soient très tumultueux et très graves.»

Et qu'on ne s'y méprenne pas, sous ses airs de «feel good story», La liste de mes envies a ses angles noirs. Le mariage de Jocelyne bat de l'aile, bien qu'elle le nie obstinément. Son bel amour n'est peut-être pas aussi pur qu'elle le prétend.

«Mais surtout, je crois qu'il y a dans son histoire une part de rêve, ajoute Delacourt, à laquelle on peut s'identifier. Tout le monde voudrait avoir un jour l'occasion de changer sa vie.» Et dans les contes de fées contemporains, c'est la loterie qui joue le rôle du génie sorti d'une bouteille pour nous offrir de réaliser tous nos voeux.

L'école de la pub

Grégoire Delacourt a attendu la cinquantaine avant d'écrire des romans. Bien lui en prit. Car il y a dans son écriture l'enthousiasme du jeune premier et la maturité de l'homme aguerri. Du monde «de la réclame», il a appris à écrire sans fioriture. À «enlever le gras du jambon, explique-t-il. La pub m'a enseigné à toujours être très précis. À cultiver l'économie de mots. Quand j'écris un livre, j'essaie d'éviter le bavardage, d'avoir des phrases précises, rythmées. En ce sens, je m'inspire beaucoup des romans anglo-saxons - des chapitres courts, des page turners. C'est très important pour moi que le lecteur prenne plaisir à la lecture.»

Si le succès l'enchante, Delacourt n'en garde pas moins les pieds sur terre. «Je suis très évidemment heureux, mais aussi très prudent, très modeste par rapport à tout ça. Je n'ai rien changé de ma vie. J'ai trop vécu, dans la pub, de trucs méchants, de revers de fortune, de situations difficiles, pour être naïf. Ce n'est pas parce qu'un livre marche une fois que ça y est, vous êtes un grand écrivain. Demain, je n'aurai peut-être pas l'inspiration ni la chance que j'ai eue jusqu'à maintenant.»

Le publicitaire continuera d'inventer des slogans pour vendre des camemberts ou des parfums («il faut bien vivre»), mais l'homme continuera de poser sur la vie son regard d'écrivain. Car pour arriver à dépeindre des personnages aussi charnus, authentiques et sensibles que ceux qu'il décrit, à déceler la beauté «dans les gestes les plus discrets, les choses les plus fugaces», il faut savoir regarder. «Il faut observer les gens, mais surtout les aimer. C'est en les aimant qu'on arrive à les faire rayonner.»

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La liste de mes envies. Grégoire Delacourt. JCLattès, 186 pages.