De l'aveu même de Victor-Lévy Beaulieu, Ma vie avec ces animaux qui guérissent est son plus grand succès de librairie des dernières années, pour lequel il a reçu des centaines de lettres de lecteurs. Étranges bêtes que ces amoureux des animaux, note-t-il. Il faut avoir vu la ménagerie de l'écrivain à Trois-Pistoles pour savoir que l'homme ne parle pas à tort et à travers. Quelles blessures profondes ont eu besoin d'autant d'animaux pour guérir? VLB ne s'est jamais tout à fait remis de la vente du bétail de la ferme de son enfance, parce que la famille devait déménager à Montréal. On comprend mieux pourquoi il l'appelle Morial-Mort... Nouvelle édition, donc, «revue et augmentée» pour cet étonnant bouquin, préfacé par Georges Laraque! Vraiment, VLB a le sens du marketing.

Arrivé pratiquement en même temps en librairie, la nouvelle version, elle aussi augmentée, de Chronique de la dérive douce de Dany Laferrière, qui s'amuse à réécrire son «autobiographie américaine». Présenté comme «l'énigme de l'arrivée», à mettre en lien avec L'énigme du retour qui lui a valu le prix Médicis, ce livre, l'un de nos préférés pour être honnête, est effectivement précurseur, dans la forme, de ce roman qui l'a mené à tous les honneurs. C'est le regard étonné, curieux, original et libre sur Montréal du jeune Haïtien ayant fui la dictature, alors qu'il ne tient rien de moins que sa vie entre ses mains. Moment crucial de l'homme qui décide de devenir «qui il est».

En exergue, le livre est destiné à «celui qui vient d'arriver dans une nouvelle ville», mais la lecture est encore plus marquante pour le lecteur qui n'est jamais sorti de chez lui.

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Ma vie avec ces animaux qui guérissent. Victor-Lévy Beaulieu. Éditions Trois-Pistoles, 268 pages.

Chronique de la dérive douce. Dany Laferrière, Boréal, 209 pages.