Simon Tolkien est le petit-fils de l'auteur de The Lord of the Rings. Son troisième roman, Sombre éclat, nous arrive en français. Conversation avec un homme qui a dû sortir de l'ombre de son célèbre aïeul afin de trouver sa voie et sa voix.

Jusqu'à l'âge de 40 ans, Simon Tolkien était sûr d'une chose: il ne pouvait écrire. «Oui, je pense avoir été inhibé par l'aura de mon grand-père. C'est la seule explication, je vivais dans son ombre», indiquait-il en entretien téléphonique avec La Presse au moment de la parution en français de Sombre éclat, son troisième roman.

Inhibé au point où même changer son nom de famille n'aurait pas aidé le processus créatif. Après tout, ses liens avec J.R.R. Tolkien auraient quand même existé, et c'est cela qui muselait littérairement celui qui, du coup, est devenu avocat. Carrière qu'il a poursuivie presque jusqu'au tournant du siècle. Là, tout a changé. En 1999, il est entré dans la quarantaine. L'histoire, elle, allait passer à un nouveau millénaire. Au même moment, le réalisateur Peter Jackson s'attelait à l'adaptation cinématographique de The Lord of the Rings.

«Ça faisait beaucoup de choses et soudain, alors qu'il y avait toute cette nouvelle effervescence autour de l'oeuvre de mon grand-père, j'ai réalisé combien je ne voulais plus être que «le petit-fils d'un grand homme»», se souvient Simon Tolkien. Depuis la naissance de son fils, en 1990, il tenait un journal intime. Inconsciemment, il a fait ses classes et a trouvé sa voix. «Au début, je n'aimais pas mon ton. Or mon grand-père disait que vous savez avoir écrit une bonne histoire lorsque vous êtes capable d'entendre et d'aimer ce que vous avez écrit.»

Et les dires de son grand-père ont toujours compté pour lui. «Nous avons passé beaucoup de temps ensemble et nous faisions... ce que les grands-pères et leurs petits-fils font. Des choses banales, anecdotiques. Mais, bien sûr, je lui posais beaucoup de questions sur The Lord of the Rings», s'amuse le romancier qui, à l'époque, ne savait pas l'importance de l'oeuvre de son aïeul, qu'il a lue vers l'âge de 7 ans. «J'étais un enfant unique, ma soeur étant née bien des années après moi, et je lisais beaucoup. C'est formidable d'avoir passé tant de temps dans des mondes imaginaires.»

Dans le passé

Certains d'entre eux l'ont d'ailleurs suivi jusqu'à aujourd'hui.

Après un roman juridique, son premier, il s'est tourné vers le roman policier. Un genre qu'il teinte d'atmosphère gothique à la Rebecca et de personnages faisant écho à ceux de Jane Eyre. Cela s'est fait naturellement. Lui, n'a pas remarqué. «Mais à la publication de mon premier livre, les gens m'ont fait remarquer qu'il y avait quelque chose d'ancien dans mon écriture.» Le commentaire n'était pas négatif. Et il était juste: «J'ai réalisé qu'en effet, mon style et le genre d'univers que je décris collent mieux au passé qu'au présent. Et ça tombe bien parce qu'une des choses que j'aimais le plus étudier est l'histoire».

C'est ainsi que ses deux autres romans se tournent vers le passé. Sombre éclat nous entraîne à Londres, au début des années 60, alors qu'un homme est condamné pour meurtre. Mais l'inspecteur Trave ne croit pas en sa culpabilité. Et il va prouver son innocence. Même si cela signifie aller fouiller dans le passé du riche amant de la femme qu'il aime encore. Il est question de diamants, de liens avec les nazis, de l'Holocauste. Il est aussi question d'amours déçues, de rejet personnel et professionnel.

Des comparaisons ont été faites avec Agatha Christie. «Mais ma principale influence est Alfred Hitchcock. Il n'avait aucun problème à montrer des choses qui allaient vous faire crier ou sursauter, mais il vous demandait aussi d'utiliser votre imagination. Je suis le même principe», explique celui qui n'abuse pas de violence explicite dans ses textes, contrairement à ce qui se fait aujourd'hui dans le genre qu'il pratique - et se porte bien à l'écran.

Il a bien sûr des rêves en ce sens. Mais pas à tout prix. Vivant depuis trois ans à Santa Barbara, donc pas très loin d'Hollywood, il connaît les manières de faire des studios. Auxquelles il a été indirectement initié grâce à The Lord of the Rings, dont il a soutenu la production au début (se froissant ainsi pour un temps avec son père, Christopher) et dont, à l'arrivée, il n'aime que le premier film, The Fellowship of the Ring.

«Pour moi, le problème vient du fait que Peter Jackson est un trop grand fan des livres. Il leur a été trop fidèle», fait celui qui aurait donc été plus curieux du destin cinématographique du Hobbit s'il était resté entre les mains de Guillermo del Toro plutôt que de retourner à celles de Jackson.

Une histoire à suivre, donc. De même que celle de l'inspecteur Trave, dont Simon Tolkien est en train d'écrire une troisième tranche. En tant que lui-même, et non plus en tant que petit-fils de J.R.R.

Sombre éclat, de Simon Tolkien. Michel Lafon, 394 pages