La polémique liée à la sortie du «portrait de proximité» de la vie de Robert Bourassa signé Georges-Hébert Germain a amené plusieurs personnes, dont notre chroniqueur Yves Boisvert, à dire que la véritable biographie de l'ancien premier ministre restait à faire. Pourtant, il en existe déjà une, parue à la fin de l'année 2010, qui présente ce personnage capital de l'histoire du Québec moderne sous un éclairage rigoureux et sans complaisance.

Le livre Robert Bourassa, du journaliste Julien Brault, a été publié aux éditions Les Malins, une petite maison peu connue fondée en 2008. Le livre est passé sous les écrans radars d'à peu près tout le monde. En octobre 2010, La Presse n'y consacra qu'une brève de 62 mots et Julien Brault n'a accordé qu'une entrevue dans les médias à l'époque.

Julien Brault, 25 ans, est aussi l'auteur de la biographie Pierre Péladeau - Une histoire de vengeance, d'argent et de journaux, parue chez Québec Amérique en 2008. Il s'est dit étonné de constater qu'aucune biographie de l'ancien premier ministre n'existait, mis à part Le tricheur et Le naufrageur, dont le biais politique ne fait aucun doute et dont la valeur biographique était plutôt relative. «Je voulais raconter la vie de quelqu'un qui a influencé le Québec moderne», explique Julien Brault.

S'appuyant sur 27 entrevues avec des proches de l'homme politique ainsi que sur de nombreux livres (dont plusieurs écrits par Robert Bourassa lui-même) et articles de journaux, Julien Brault propose un portrait assez complet et nuancé de celui qui fut premier ministre du Québec durant quatre mandats. Le Robert Bourassa de Brault est un être méthodique, tenace et calculateur, qui sait ménager ses adversaires comme ses coéquipiers. «C'était un homme politique efficace, redoutable et déterminé», dit Brault. Le chapitre sur ses débuts en politique et ses années comme fonctionnaire pour les gouvernements d'Ottawa puis de Québec révèle comment il a su attirer l'attention vers lui afin de faire le saut en politique aux élections de 1966.

C'est cette détermination, d'ailleurs, qui paraît le plus à la lecture. Comment il a su travailler dans les coulisses pour regagner sa crédibilité et revenir au devant de la scène après la défaite de 1976. Julien Brault lève le voile sur son travail souterrain durant la campagne référendaire de 1980 et sur l'attitude de Claude Ryan qui, à ce moment-là, fait tout pour tenir l'ancien chef du parti officiellement à l'écart du débat. C'est pourtant sur ce rival que Bourassa s'appuiera après son retour au pouvoir à la fin des années 80 pour diriger ses réformes les plus importantes.

Pour le biographe, l'ancien homme politique a laissé son héritage le plus important à l'occasion de son premier passage au pouvoir. «La réalisation de Bourassa, selon moi, c'est la loi 22. Bien qu'imparfaite, elle a été la première loi qui faisait du français la langue officielle du Québec. Elle a pavé la voie à la loi 101, quelques années plus tard. Ce fut aussi la loi 22, et son accueil dans la communauté anglophone, qui a été l'une des causes de la défaite des libéraux en 1976.»

Même s'il ne s'agit pas d'une nouveauté, on trouve encore quelques exemplaires sur les tablettes des librairies. Quant à savoir s'il y aura une réédition pour profiter de la sortie des autres livres sur le sujet, Julien Brault ne se prononce pas. «C'est une décision qui revient à l'éditeur.»

Robert Bourassa

Julien Brault

382 pages, éditions Les Malins