Un tueur en série choisit pour ses assassinats sadiques de jeunes femmes des lieux qui correspondent aux endroits précis où explosent des bombes de l'artillerie française qui assiège Cadix.

Un vieux policier retors et corrompu est vite intrigué par ce qu'il considère comme tout sauf d'étranges coïncidences, mais dont il n'arrive pas à trouver le fil conducteur.

Son enquête est prétexte à Pérez-Reverte pour nous dépeindre la vie gaditane sous les bombes napoléoniennes. Ville libérale dans une Espagne étouffée par le catholicisme et l'incompétence de sa monarchie incarnée par une branche dégénérée des Bourbons, Cadix se débat alors pour maintenir son activité commerçante, malgré le blocus.

Les armateurs craignent l'interception de leurs riches cargaisons en provenance des Amériques par des corsaires français. Voilà pourquoi Lolita de Palma, héritière d'une grande maison commerçante, se résigne à son tour à faire appel à ces hommes sans honneur pour protéger sa cargaison et surtout piller celle des bateaux français qui sillonnent aussi la Méditerranée.

De leur côté, les assiégeants éprouvent d'énormes difficultés à propulser leurs bombes jusqu'à l'intérieur des fortifications de la ville. La portée des canons n'est pas suffisante, à moins que ce ne soit le calibrage de la poudre et du plomb, la longueur de la mèche et sa capacité de voyager sans s'éteindre. D'autant plus qu'on les allume en défiant vents et embruns, sans compter le feu ennemi.

Dans ce long roman où se tissent une demi-douzaine d'intrigues qui s'entrecroisent sans forcément se (dé)nouer, Perez-Reverte montre avec beaucoup de soin les limites de la science et du calcul des probabilités en ce début du XIXe siècle et les frustrations que ces lacunes nourrissaient parmi les esprits rationnels.

Il décrit aussi sobrement les rapports entre les gens de rang ou d'idéologie différents qui devaient néanmoins composer avec les difficultés d'un siège.

Il se penche aussi à nouveau sur deux des grands thèmes qui jalonnent son oeuvre romanesque: l'Espagne et la guerre.

Sans avoir la puissance d'Un peintre de bataille ni d'Un jour de bataille, ce fort roman plaira à ceux pour qui une page d'histoire est bien plus qu'un décor, même pour une intrigue policière.

Cadix, ou la diagonale du fou

Arturo Pérez-Reverte

Traduit par François Maspero Seuil, 766 pages

*** 1/2