À une époque où les écrivains jouent les durs, l'auteur de Ça sent la coupe parle d'amour avec un grand A. Portrait d'un romancier au coeur tendre.

Quand il était petit, Matthieu Simard rêvait de devenir journaliste. Au primaire, il s'était même inventé un personnage. «J'avais un concept, raconte-t-il. J'étais Monsieur X. Toutes mes compositions de français commençaient de la même façon: «Bonjour, voici le célèbre journaliste monsieur X. Aujourd'hui je vais vous parler de...» Mon professeur trippait!»

Convaincu qu'il avait la vocation, l'auteur d'Échecs amoureux et autres niaiseries a fait un bac en droit puis un certificat en journalisme. Mais après six mois de travail pour le journal Voir Québec, à écrire des articles et des critiques sur d'obscurs ou semi-célèbres bands de rock, son rédacteur en chef l'a convoqué pour faire le point.

«Il m'a dit que mon travail était irréprochable, raconte l'auteur né en 1974, mais que de toute évidence, je n'étais pas heureux. Alors il m'a donné le meilleur conseil qu'on pouvait me donner: «Trouve-toi un boulot alimentaire, et écris dans tes loisirs, tu vas avoir plus de fun!»»

Quelques mois plus tard, Simard décochait un emploi de rédacteur dans une boîte de pub et écrivait, le soir venu, les nouvelles qui allaient composer son premier titre: Échecs amoureux et autres niaiseries (Stanké). L'auteur avait trouvé sa voie. Écrire des histoires pour le plaisir. Parler d'amour ou de la recherche de l'amour perdu, de la solitude et de l'isolement, dans un style drôle, simple et léger.

Avec Et la tendresse attendra, son cinquième roman adulte, Matthieu Simard poursuit dans la même veine réaliste, piquée d'humour absurde, qui a fait le succès de Ça sent la coupe et de Douce moitié. Mais en ajoutant un peu plus de chair autour de l'os. Cette histoire d'un jeune homme que sa blonde vient de laisser, et qui ne se remet pas de sa peine, fait sourire, certes, mais nous chavire aussi le coeur. Son héros, un écrivain, décide de devenir plombier pour prouver à celle qui l'a quitté qu'il peut changer. Aveuglé par le déni, il refuse d'accepter l'inéluctable: son grand amour n'est plus et ne reviendra pas. Il y a dans ces pages des passages d'une grande tendresse. Une conception de l'amour presque anachronique, en cette ère où Occupation double fait loi.

«Je suis quelqu'un d'assez sensible dans la vie, de vulnérable. Je n'ai pas peur de l'être quand j'écris, confie Matthieu Simard. Quand ma première blonde m'a laissé, c'était la fin du monde. Je n'avais pas de mécanisme de défense, pas de carapace. J'avais eu une enfance facile, des parents fantastiques, un grand frère qui était (et qui est encore) mon idole. Je n'avais pas appris à me battre et ç'a été très très dur. Si j'aime écrire sur l'amour, c'est que c'est ce qui m'a donné le plus de bonheur, mais qui m'a aussi fait le plus mal, dans ma vie.»

Aujourd'hui, Matthieu Simard vit de sa plume et en est très heureux. L'an dernier, il a publié, aux éditions La courte échelle, la série jeunesse Pavel, une série de treize épisodes qui a connu beaucoup de succès et qui a été une redoutable école. «Sur les premières épreuves que je recevais de l'éditeur, se rappelle-t-il, il n'y avait pas une ligne où il n'y avait pas de commentaires en rouge. Tel mot était-il juste? Tel passage était-il nécessaire? C'était dur! Dur pour le moral, dur pour l'ego. Mais j'ai beaucoup appris et je suis très reconnaissant de ça.» Et les ados ont suivi. Déjà, ils avaient été nombreux à avoir élu Ça sent la coupe, roman qui ne leur était pourtant pas exclusivement destiné, parmi leurs livres préférés. «Je reçois encore des courriels de lecteurs, des gars de 16, 17, 18 ans, qui me disent que ce livre leur a redonné le goût de la lecture. C'est hyper flatteur.»

«Avoir du plaisir à écrire»

Si tant d'ados aiment les livres de Matthieu Simard, s'ils peuvent s'identifier aux personnages, c'est sans doute grâce à son style dépouillé. La langue parlée dont il fait abondamment usage, son univers calqué sur la réalité. «Mes livres ne sont pas littéraires, reconnaît-il volontiers. Mon objectif, c'est d'avoir du plaisir à écrire. Et attention, ce n'est pas parce que je m'amuse à écrire qu'il n'y a pas de passages dramatiques dans mes livres. Il y a des gens qui m'ont avoué avoir pleuré à la fin de La tendresse attendra. Comme quoi il y a moyen de toucher les lecteurs tout en restant concret.»

S'il n'écrit plus pour les agences de pub, Matthieu Simard ne chôme pas pour autant. Entre le travail de scénarisation de Ça sent la coupe, en cours d'adaptation pour le cinéma, l'écriture de romans (dont un projet jeunesse sur un sujet extrêmement délicat qu'il préfère ne pas dévoiler), quelques visites dans des écoles, cet admirateur de Ducharme et de Salinger affine sa plume et lit.

«Je ne suis peut-être pas un grand lecteur, mais je lis de tout - poésie, paroles de chansons, romans policiers. En ce moment, je suis en train de terminer le quatrième tome du Journal d'Aurélie Laflamme. Non seulement parce qu'India est mon amie (on est très proches du point de vue de nos âmes, on est deux hypersensibles, deux angoissés qui ne le laissent pas trop paraître!), mais aussi parce que j'aime voir ce qui marche, me tenir au courant de ce qui se fait dans le monde des auteurs qui m'entourent.»

Son prochain défi: apprendre à lire le braille! «J'ai peur que mon cerveau ramollisse. C'est une de mes paranoïas. C'est pour ça que j'ai besoin d'exercice! J'ai commandé d'une librairie spécialisée à Calgary le livre Catcher in the Rye en version braille. Je n'ai pas encore commencé, mais je vais m'y mettre.»

La tendresse attendra

Matthieu Simard

Stanké, 2011, 205 pages