Créé en mars dernier à l'occasion de la Nuit de la poésie, le Cabaret pas tranquille revient dans une version écourtée à l'occasion du Festival international de la littérature (FIL), dont il sera le coup d'envoi. Si elle dure deux heures au lieu de six, une chose demeure: cette soirée de lecture de textes et de chansons des années 60 et 70 reste un hommage aux auteurs qui ont contribué à façonner le Québec moderne.

«Pour moi, cette soirée a été une véritable orgie de mots et d'idées, comme si j'avais mangé au-delà de mon appétit», raconte Evelyne de la Chenelière, qui y a lu -et lira encore- un extrait d'Une saison dans la vie d'Emmanuel, de Marie-Claire Blais. Le dramaturge Olivier Kemeid, directeur artistique et maître de cérémonie de l'événement, se souvient que même si le spectacle s'est terminé à 3h du matin, le hall de la Grande Bibliothèque était encore plein de monde. «Ce que je retiens de ça, c'est qu'il y a une quête de sens dans le public.»

Evelyne de la Chenelière est bien d'accord et constate aussi cette «soif réelle» pour ce genre d'événements. «Chaque année au FIL, je suis éblouie de voir que les gens sont là, qu'ils en ont besoin.» La comédienne et auteure y contribuera grandement cette année puisqu'en plus du Cabaret pas tranquille, elle sera du spectacle Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent, d'une lecture en hommage à la poésie des femmes du Noroît et d'un midi littéraire consacré à Anne Hébert.

Pour cette version de deux heures du Cabaret, Olivier Kemeid a dû faire des choix déchirants, question de respecter un équilibre entre les deux décennies couvertes, et entre les chansons et les textes. «Pour décider qui fait quoi, j'ai eu plusieurs approches, des auteurs imposés pour certains, un choix entre une sélection de textes pour d'autres, ou des cartes blanches.»

On y entend donc les mots de Ducharme, Gauvreau, Ferron, DesRochers, Miron, Lapointe, Vigneault... la liste est longue. «À la fin de la soirée, on peut mesurer tout le chemin parcouru en 20 ans. Il faut le vivre pour le sentir, c'est très bouleversant», explique Olivier Kemeid, qui avoue sa fascination pour cette période faste. Tout comme Evelyne de la Chenelière d'ailleurs: ils siègent ensemble au comité de rédaction de la revue Liberté, qui a fêté ses 50 ans l'an dernier. «C'est vrai qu'on est un peu jaloux de cette époque», admet-elle.

Sans nostalgie

Ce spectacle, ajoute Olivier Kemeid, en dit aussi long sur maintenant que sur ces années-là, où il y avait une véritable osmose entre le développement de la culture, la politique et le social. «Le rôle et la place de la culture comme moteur d'une société, ça n'a plus rien à voir. C'est un constat dur et triste.» Et cet état d'esprit, les créateurs le sentent, ajoute Evelyne de la Chenelière. «Nous en venons à douter de la nécessité de notre geste artistique, ce qui crée une perte d'énergie incroyable.»

Mais Olivier Kemeid refuse la nostalgie et préfère le dialogue avec le présent. Le Cabaret pas tranquille est d'abord et avant tout un spectacle littéraire qui rappelle cet héritage. «Le but n'est pas de passer un message, ça ne m'aurait pas intéressé de le faire si ç'avait été le cas», souligne Evelyne de la Chenelière. «Le moteur, c'est l'amour de la littérature», déclare d'ailleurs Olivier Kemeid, qui a choisi la forme la plus simple -un acteur, un lutrin- pour mettre en scène cette soirée et donner toute la place aux mots.

Le directeur artistique a d'ailleurs demandé à ses interprètes un minimum d'effets. «Ce n'est pas un récital de poésie», dit-il. Aux côtés d'Evelyne de la Chenelière, on retrouvera entre autres Marc Béland, Émilie Bibeau, Marie-Thérèse Fortin, Raymond Cloutier, Alexis Martin, Sébastien Ricard, Maude Guérin... Une belle distribution, de tous les horizons, pour une soirée qu'Olivier Kemeid n'a pas voulue trop théâtrale, mais très «low fi». «Bon, il y a un décor, mais sinon, c'est la voix qui est en avant. Le but, c'est d'entendre les idées.»

Le Cabaret pas tranquille, le vendredi 16 septembre à 20h, à l'auditorium de la Grande Bibliothèque.

NOS CHOIX POUR LE FIL

Le FIL, qui aura lieu du 16 au 25 septembre, c'est une foule d'événements qui vont d'une soirée de slam à un rallye littéraire. C'est aussi l'occasion d'assister à des spectacles uniques qui ont comme lien les mots et ceux qui les écrivent.

>Je suis un pays rêvé. Hommage à Dany Laferrière (Lion d'or, 22 septembre)

Créé cet été lors des Correspondances d'Eastman, ce spectacle regroupant quatre comédiens retrace la vie et les errances de l'auteur de L'énigme du retour à travers son oeuvre, dans une mise en scène de Martin Faucher.

>Dub&litté/Libérer l'espace (Lion d'Or, 23 septembre)

Ambiance musicale, projections vidéos et littérature font bon ménage dans cette production menée par Michel Vézina et le multi-instrumentiste Vander, auxquels se joint le collectif français Libérer l'espace. Quand le hip-hop se met au service de Thoreau, Burroughs et Bakounine, on peut s'attendre à tout.

>Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent (Cinquième salle de la Place des Arts, 24 et 25 septembre)

Ce spectacle qui est devenu «le Casse-Noisette du FIL» et un peu sa signature n'a plus besoin de présentation. Une floppée d'artistes, sous la direction de Loui Mauffette, feront encore une fois une fête de cette soirée pleine de folie.

>Clo-Clo Rico! (Monument-National, 25 septembre)

Le personnage créé par le regretté Claude Léveillée pour la télévision en 1959 revivra sur scène dans la peau de Bori, sur des textes de Christiane Duchesne. Les chansons de Cloclo, qui ont été enregistrées il y a deux ans par La montagne secrète, seront interprétées par Mara Tremblay, Thomas Hellman, Florence K et Andrea Lindsay.

>Pour plus d'infos sur la programmation: www.festival-fil.qc.ca