Depuis plus de 30 ans, Paul Theroux s'est hissé au sommet de l'art du récit de voyage. Le Franco-Américain de 70 ans - son père, né au Massachusetts, l'a amené enfant à Montréal pour rencontrer une tante et des cousins éloignés - arpente les cinq continents, tirant de ses pérégrinations une quinzaine de livres en plus de publier une demi-douzaine de romans. Son dernier, The Tao of Travel, résume les leçons qu'il a tirées de plus de 300 récits de voyage publiés depuis le XVIIIe siècle.

«J'ai voulu expliquer pourquoi il est encore pertinent, à l'ère de l'internet, de lire les grands classiques de la littérature de voyage», explique M. Theroux depuis son domicile de Cape Cod - il a aussi une maison à Hawaï. «J'ai lu des livres très variés pour atteindre mon but, certains très courts comme Voyage autour de ma chambre de Xavier de Maistre (écrit en captivité en 1794 après un duel à Turin), d'autres très longs comme Black Lamb and Gray Falcon de Rebecca West (1937), qui décrit les Serbes, le nazisme et la Yougoslavie et dépasse 1000 pages. Je suis depuis l'enfance un lecteur passionné, à la fois de romans et de récits de voyage. Les livres ont été mes compagnons durant ma vie de voyageur et j'ai voulu créer cette anthologie profondément personnelle pour décrire les livres qui m'ont le plus influencé.»

L'internet peut donc avoir des impacts négatifs sur l'art de voyager? «Les évaluations en ligne peuvent être très utiles, mais la lecture est indispensable, même si elle se limite aux guides de voyage. Et, bien évidemment, rien ne peut remplacer le voyage lui-même. On entend maintenant des gens dire qu'on peut connaître le monde avec son ordinateur. Mais c'est un sentiment plus ancien. En 1972, Susan Sontag a écrit un article de magazine intitulé Projet de voyage en Chine. C'était très postmoderne, plus près de la théorie du voyage que du récit de voyage. Elle ne quittait pas son appartement new-yorkais et concluait: «Je devrais peut-être écrire mon livre sur la Chine avant d'y aller «. Lire devrait normalement motiver une personne à quitter sa demeure et faire l'expérience du monde. Le World Wide Web crée de la distorsion.»

Paul Theroux a quitté sa Nouvelle-Angleterre natale au début des années 60 avec le Peace Corps. Ensuite, il a enseigné l'anglais dans des universités africaines. Il y a trouvé sa femme et rencontré l'écrivain antillais VS Naipaul, qui est devenu son mentor. Il a ensuite vécu à Singapour, où il a été journaliste pour des revues américaines. Il a gagné à quatre reprises le prix remis par Playboy au meilleur article de l'année publié dans ses pages. Son roman The Mosquito Coast a été porté au grand écran par Peter Weir en 1986, avec en vedette Harrison Ford.

Racines québécoises

Connait-il bien le Québec? «Je suis retourné plusieurs fois à Montréal après mes visites avec mon père, Albert Théroux, dit M. Theroux. J'avais un sentiment d'être à ma place, en terrain connu. C'est une ville belle et élégante, qui abrite un peuple fier et tenace qui, pour moi, constitue l'aristocratie de l'Amérique du Nord. J'ai hâte d'y retourner. Les Canadiens français qui habitent les États-Unis sont différents des autres immigrants. Ils n'ont pas l'urgence de s'identifier aux États-Unis, l'ambition opportuniste, la crise identitaire ou le désir factice de plaire. Ils sont calmes, sereins et se sentent chez eux parce que le continent en entier leur appartient. Ils ont une anglophobie très justifiable. Mon grand-père, Eugène Théroux, n'a pas formellement émigré aux États-Unis, comme beaucoup d'autres Québécois qui considéraient que la frontière américaine était une nouveauté à ne pas prendre très au sérieux. Mon ancêtre Antoine Théroux ou Terroux, qui est né à Verdun-sur-Garonne, est arrivé avec l'armée française à la fin du XVIIe siècle, bien avant la Révolution américaine. Il s'est installé près de Montréal à Yamaska, une petite ville que j'ai visitée à plusieurs reprises.»

Paul Théroux voyage avec...

Valises

Un sac et une mallette de cuir de chez Glaser Designs de San Francisco, qu'il veut léguer à ses enfants.

Vêtements

Jamais de shorts à l'étranger. Préférablement du Patagonia ou du Orvis.

Argent

Quelques billets bien cachés pour échapper à la convoitise des douaniers et des bagagistes.

À éviter

Les désodorisants, parce qu'ils attirent les moustiques.

L'hôtel préféré de Paul Theroux

Le Rambagh Palace à Jaipur, en Inde; aux États-Unis, les « motels Bates «, les établissements qui ne font pas partie d'aucune chaîne.