Il est rare qu'un roman porte un sous-titre, mais c'est le cas du plus récent de l'Américain Richard Powers. «Un perfectionnement», lit-on sous le titre de Générosité. Il s'agit du perfectionnement de nos vies par la science, plus spécifiquement, par les manipulations génétiques menées par un genre de gourou du bonheur, le chercheur Thomas Kurton.

Ce Kurton, un peu illuminé, un peu charlatan, un peu homme d'affaires, croit avoir trouvé le gène du bonheur chez une étudiante d'origine kabyle, Thassa Amzwar. Car ce qui frappe chez cette jeune femme lumineuse et optimiste, c'est sa capacité de répondre aux traumatismes par le sourire. En Algérie, où la minorité kabyle a la vie dure, son père a été assassiné et sa mère est morte d'un cancer peu de temps après. Thassa elle-même a connu l'exil à Paris, Montréal et Chicago, décor de ce roman foisonnant.

Nous rencontrons Thassa dans la salle de classe de Russell Stone, chargé de cours pas excessivement doué qui tente d'enseigner la création littéraire à un groupe de déjantés. Thassa surprend tout le monde, ses camarades et son prof, en racontant les événements de sa vie d'une façon si simple et si franche qu'elle semble au-dessus de l'humain. Son secret? «Je m'efforce de ne pas me prononcer plus que Dieu», dit-elle.

Elle attire rapidement l'attention de tout le monde. Dans le cours, ses camarades la baptisent miss Générosité. Elle tombe sous la loupe d'une psychologue de l'université, Candace Weld, qui sacrifie toute déontologie pour s'approcher d'elle. Mais la vraie folie américaine est lancée lorsque Thomas Kurton entre en scène. C'est un entrepreneur qui séduit le public (et les marchés boursiers) avec la promesse d'une vie meilleure où le bonheur sera accessible à tous - si on y met le prix, bien sûr. Il se met aux trousses de Thassa, croyant qu'elle possède le gène du bonheur, formule irrésistible aux yeux du public américain.

Thassa va-t-elle se soumettre aux recherches scientifiques (et financières) de Kurton? Le roman de Richard Powers, élu Meilleur livre de l'année par le New York Times, prend alors un aspect satirique. Tous les excès de la société américaine y passent. Powers nous livre une parodie d'Oprah Winfrey qu'il appelle Le Oona Show. Il met en scène des prédicateurs télévisuels. L'apothéose survient lorsque Thassa consent à vendre de ses ovules, pour la modique somme de 32 000$, pour permettre à des chercheurs de travailler sur son supposé gène du bonheur.

Malgré ces aspects satiriques, Powers ne tombe jamais dans une parodie trop grossière. Et, chose surprenante, Thassa, qui est censée posséder ce gène (qui n'existe pas, bien sûr), ne connaît pas l'amour, alors que Russell Stone et Candace Weld, deux êtres bien névrosés, goûteront à cette joie. C'est comme si son fameux gène coupait Thassa du monde; comme si la quête du bonheur nous coupait du bonheur.

À la fin, Thassa est victime de son gène imaginaire. La pression est trop forte et elle craque devant le cirque médiatique. La science du bonheur n'existe pas et sa quête nuit à l'être humain: c'est un peu la morale de cette histoire bien américaine.

Générosité

Richard Powers

Traduit par Jean-Yves Pellegrin Cherche Midi, 472 pages

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