Nancy Huston aime voir - et montrer - les choses sous un autre angle. La preuve dans deux nouvelles parutions de l'auteure franco-canadienne: Poser nue, récit en partie autobiographique sur le métier de modèle qu'elle a déjà pratiqué, et ultraviolet, roman pour adolescents qui raconte les émois d'une jeune fille de 13 ans pour un homme au passé trouble.

Dans Poser nue, Nancy Huston adopte le point de vue du modèle. Le sien, celui d'Anaïs Nin (qui a fait les deux), celui de Lee Miller aussi, qui a été la muse de Man Ray avant de devenir photographe elle-même. «Anaïs Nin sait donc qu'une femme qui pose nue est un individu doté d'une histoire», écrit-elle dans cette réflexion sur les rapports de pouvoir et de séduction poussés à leur paroxysme dans cet acte jamais sans conséquence qu'est celui de se dévêtir «pour l'Art ou pour la Pornographie».

Dans Infrarouge, son précédent roman, le personnage central était reporter-photographe et captait les visages de ses amants au moment de la jouissance : une douce revanche, conclut l'auteure qui, par ce court livre illustré magnifiquement par des sanguines de Guy Oberson - des nus, évidemment, d'hommes et de femmes -, a voulu entrer dans la tête des modèles pour nous montrer l'envers du décor.

Dans la peau d'une jeune fille

C'est aux états d'âme d'une préadolescente que s'intéresse Nancy Huston dans ultraviolet. Nous sommes en 1936 et c'est un été de sécheresse dans l'Ouest canadien. Lucy, fille de pasteur, a 13 ans et écrit dans son carnet tout ce qu'elle ne peut dire tout haut, ses doutes quant à la religion, son exaspération face à sa famille. Elle joue avec les mots et les figures de style - «Qui suis-je pour venir là et gribouiller en grognant et en grommelant et en grimaçant que j'ai faim? ( Gr... gr... grr... ça s'appelle de l'allitération!)»-, on sent la plume de l'écrivaine qui s'amuse à se mettre dans la peau d'une jeune fille.

Une peau très sensible qui réagira à l'arrivée d'un médecin, le docteur Beauchemin, avec qui elle tissera un lien privilégié. Il lui montrera la liberté d'esprit, l'indépendance et l'affirmation, mais aussi le respect des autres. Cette confiance mutuelle se transforme en amour dans le coeur de la jeune fille, jusqu'à une scène finale où l'on ne saura jamais quelles étaient les motivations du beau docteur envers Lucy. Un flou volontaire: l'histoire finit bien de notre point de vue d'adulte, mal pour Lucy qui est séparée de son amour et mentor. C'est là tout le talent, un brin tordu il faut l'admettre, de Nancy Huston.

Poser nue

Nancy Huston

Dessins de Guy Oberson

Biro

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ultraviolet

Nancy Huston

Éditions Thierry Magnier, 79 pages

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