Un ensemble de 36 lettres autographes inconnues de Louis-Ferdinand Céline, adressées de 1939 à 1948 au Dr Alexandre Gentil, qui fut un ami très proche de l'écrivain français, sera vendu par Artcurial le 10 mai à Paris, a indiqué vendredi la maison d'enchères.

Restée inédite, cette somme de 116 pages, estimée de 90 000 à 100 000 euros, est importante pour la compréhension des années noires de Céline, sa fuite en 1944, son emprisonnement au Danemark jusqu'en 1947, puis son exil sur les bords de la Baltique jusqu'en 1951.

«De nombreux passages de cette correspondance sont la preuve indéniable de l'importance des liens qui existent» entre le Dr Gentil, médecin militaire, et le Dr Destouches, alias Céline (1894-1961), qui s'étaient rencontrés à l'hôpital du Val de Grâce en 1914, souligne la maison Artcurial Briest Poulain F. Tajan dans un communiqué.

Sous l'Occupation allemande, Gentil héberge des collaborateurs, certains envoyés par Céline. Il est l'un des premiers correspondants de Céline quand il est en prison.

C'est aussi l'une des rares personnes que l'auteur du Voyage au bout de la nuit avertit de son départ en 1944. Lettre du 15 juin : « Mon bien cher vieux, il a fallu d'une façon pressante partir à la campagne ! (...) J'espère que ce ne sera pas long.» Ce voyage durera sept ans.

Céline écrit le 4 septembre 1945 de Copenhague: «Je ne vis ici qu'en état d'isolement moral quasi-total!» et plus loin «Dans une autre vie, je t'assure que je ne me dévouerai plus pour personne. Je me ferai faire un passeport animal. J'irai à quatre pattes. Je renierai les hommes.»

La publication de trois ouvrages violemment antisémites avait amené Céline à fuir la France au lendemain du débarquement. Après huit mois passés à Copenhague, il est sous le coup d'un mandat d'arrêt pour trahison.

En décembre 1945, il est placé en détention dans le quartier des condamnés à mort d'une prison danoise. Le Danemark refuse de l'extrader et le remet en liberté «sur parole» le 24 juin 1947. En avril 1951, l'ancien combattant Louis Destouches est amnistié par la justice française, ce qui permet au plus célèbre des écrivains maudits de rentrer en France.