Il aura fallu 30 ans à Jean M. Auel pour mettre un point final au destin d'Ayla, l'héroïne de la saga préhistorique Les enfants de la terre. La romancière raconte ses débuts... et cette fin très attendue.

C'est un adage, dans la famille Auel: «Avec Jean, tout a tendance à être gros.» La famille: cinq filles, quinze petits-enfants et huit arrière-petits-enfants. Les romans: six briques totalisant quelque 4000 pages. Le succès: ses cinq premiers livres se sont vendus à plus de 45 millions d'exemplaires dans le monde. Et le temps d'écriture: cela fait plus de 30 ans qu'elle vit en compagnie d'Ayla et des autres personnages de la saga préhistorique Les enfants de la terre. Saga à laquelle elle met un point final avec Le pays des grottes sacrées, dont le lancement mondial s'est fait mardi à New York.

Il lui aura fallu neuf ans pour boucler ce dernier tome. «Parce que j'ai été prise par la vie», rigole-t-elle au bout du fil en évoquant cette famille qui continue à s'agrandir et qui, avec l'écriture, sont ses priorités.

Et de revenir sur ses premiers pas littéraires. «Mes trois filles aînées étaient au collège, les deux autres à l'école secondaire. Elles étaient autonomes et n'avaient pas de grandes exigences envers moi en ce qui concerne le temps à leur consacrer», poursuit-elle, toujours en riant.

C'est ainsi que, alors âgée de 40 ans, Jean M. Auel, qui avait démissionné de son poste dans une entreprise d'électronique et espérait trouver un emploi plus stimulant, s'est mise à écrire une nouvelle. L'histoire d'une orpheline recueillie par des gens «différents». C'est en faisant des recherches en bibliothèque qu'elle a compris que le récit en question, qu'elle imaginait «primitif», se déroulait en pleine préhistoire. Que la fillette était une Cro-Magnon, adoptée par des Néandertaliens.

Elle a aussi réalisé qu'elle n'écrivait pas une nouvelle: «On ne fait pas des recherches dans une cinquantaine de livres d'histoire pour accoucher de quelques pages de fiction.» Avant la fin de l'écriture de ce qui allait devenir Le clan de l'ours des cavernes, Jean M. Auel savait donc qu'elle allait passer beaucoup de temps en compagnie d'Ayla et de son compagnon, Jondalar, avec qui elle allait voyager pour rentrer au pays qui les avait vus naître. Qui est aussi le pays des grottes sacrées, que connaît aujourd'hui comme le Périgord, l'Ardèche... bref ce Sud de la France où l'on a découvert nombre d'abris sous roche et de grottes ornées de gravures pariétales.

Parmi elles, cette «Chapelle Sixtine de la préhistoire» qu'est la grotte de Lascaux et cet autre joyau qu'est la grotte Chauvet. La première, fermée aux visiteurs depuis des décennies - mais «reconstituée» à proximité. La seconde, qui n'a jamais été ouverte au grand public. Jean M. Auel a visité les deux. Plus d'une fois. Et plus d'une fois, elle a pleuré en voyant chevaux, bisons et autres silhouettes tracés sur la pierre.

Elle a su, dès l'instant où l'émotion est ainsi montée en elle, que là se trouvait le destin d'Ayla. Que son héroïne allait traverser des épreuves mais entrer, un jour, en ces lieux magiques.

Cela se produit dans Le pays des grottes sacrées, où la blonde jeune femme suit un dur apprentissage pour devenir guérisseuse et chef spirituel de la Neuvième Caverne. Elle parcourt ainsi le territoire de la Zelandonii et, à travers ses yeux, les lecteurs le découvrent aussi. Avec moult détails concernant plantes, cuisine, vêtements, topographie, etc.

Le tout, porté par des personnages plutôt «modernes». «Vous pouvez voir ça comme ça», s'amuse celle qui rappelle que ses romans sont, justement, des romans. «Mais pour moi, c'est la vie, tout simplement. Les hommes de Cro-Magnon sont des homo sapiens, ils avaient la même capacité à parler que nous, le même cerveau, les mêmes émotions. Ils avaient simplement... disons, une autre façon de gagner leur vie.» Et beaucoup, beaucoup à découvrir.

Ceux qui ont suivi Ayla savent que, dans l'univers selon Jean M. Auel, la blonde enfant a beaucoup contribué à ce savoir - allumer un feu, dresser des animaux, inventer le propulseur de sagaie, etc. Et c'est par une autre de ces découvertes que le rideau tombe sur Les enfants de la terre: «J'aurai pu aller vers une finale plus flamboyante ou plus émouvante. J'ai préféré aller vers quelque chose en apparence moins éclatant - mais qui allait changer le monde.» Et en effet, cette découverte, peu importe qui l'a faite et quand, a changé la nature même des relations humaines au sein des enfants de la terre.

Les enfants de la terre/Le pays des grottes sacrées. Jean M. Auel. Presses de la Cité, 682 pages

Le dernier tome de la série Les enfants de la terre, Le pays des grottes sacrées.