Une polémique a éclaté mardi en Argentine après un appel lancé pour empêcher le Prix Nobel de littérature Mario Vargas Llosa, féroce critique de la présidente Cristina Kirchner, d'inaugurer la Foire du Livre de Buenos Aires.

Des intellectuels proches du pouvoir, membres du groupe Lettre Ouverte (Carta Abierta), parmi lesquels le directeur de la Bibliothèque nationale, Horacio Gonzalez, ont demandé aux organisateurs de la Foire du Livre d'annuler l'invitation du Prix Nobel.

«Vargas Llosa vient défendre des positions politiques agressives», a déclaré à la presse le directeur de la Bibliothèque nationale, Horacio Gonzalez. «Il provoque un dilemme et un débat déplacé pour l'ouverture de la Foire du Livre», a-t-il poursuivi, ajoutant: «J'aimerais qu'il ne soit pas présent».

Le Prix Nobel «exprime sa tendance libérale de manière radicale et je dirais même, permettez-moi le paradoxe, autoritaire», a estimé M. Gonzalez, qui a eu comme prédécesseur à la Bibliothèque nationale l'écrivain Jorge Luis Borges entre 1955 et 1973.

Le gouvernement a immédiatement pris ses distances. «Je trouve bien que les intellectuels prennent position. Là où je ne suis pas d'accord, c'est sur une interdiction», a souligné le ministre argentin de la Culture, Jorge Coscia.

«Vargas Llosa est un écrivain incontestable, un grand écrivain», a reconnu M. Coscia. Mais «le Vargas Llosa libéral est un ennemi des industries culturelles», a-t-il dit. «C'est un réactionnaire qui défend un système fondé sur la dépendance culturelle de l'Amérique latine».

L'écrivain péruvien, ancien candidat de centre-droit à l'élection présidentielle du Pérou en 1990, critique sévèrement la présidente de centre-gauche argentine, Cristina Kirchner.

C'est la première fois qu'un Prix Nobel doit inaugurer la Foire du Livre de Buenos Aires et la première fois que deux inaugurations doivent avoir lieu: l'une le 20 avril en présence de Cristina Kirchner, et l'autre le 21 en présence de Vargas Llosa, afin d'éviter qu'ils ne se croisent.

Le président de la Fondation Le Livre qui organise la Foire, Gustavo Canevaro, avait précisé que «Vargas Llosa était invité en tant que Prix Nobel de littérature». «Nous ne l'invitons pas pour sa vision politique», avait-il dit en annonçant que le Prix Nobel inaugurerait cet événement culturel.

Les organisateurs ont fait savoir mardi qu'ils préparaient un communiqué sur cette polémique.

Cette affaire intervient alors que l'élection présidentielle doit avoir lieu en octobre en Argentine. Mme Kirchner n'a pas encore dit si elle comptait briguer un deuxième mandat.

Mario Vargas Llosa a souvent attaqué la présidente argentine et son mari et prédécesseur Nestor Kirchner, décédé en octobre.

L'auteur de La ville et les chiens et La tante Julia et le scribouillard les a qualifiés, avec ironie puisqu'ils représentent l'aile gauche du péronisme, de «capitalistes exemplaires, qui ont réussi à multiplier par sept leur capital».

Les Kirchner ont amassé, selon leur propre déclaration patrimoniale, une fortune de 55 millions de pesos depuis l'élection de Nestor Kirchner en 2003.

«Ce n'est pas possible que l'Argentine, avec tout ce qu'elle représente du point de vue culturel, puisse élire un président aussi inculte et d'un niveau intellectuel si pitoyable», avait déclaré Vargas Llosa en octobre, après avoir eu le Nobel.