Une petite bombe sautillante atterrit dans un bureau aux murs de pierre du Vieux-Montréal, sac Gucci au bras, iPhone et café à la main. La spectaculaire amazone a des jambes lisses et bronzées, minimalement couvertes par des shorts de jeans et juchées sur des talons hauts. Sa longue tignasse blonde flotte sur un pull crème vaporeux (Uniqlo).

À son doigt, pas d'alliance, mais une énorme bague achetée chez Top Shop (le H&M britannique) et un bracelet Louis Vuitton. Elle arbore aussi un faux tatouage Chanel sur le bras gauche et son visage est étonnamment peu fardé.

Elle sent très bon, sucré, on dirait un cupcake. Narciso Rodriguez, nous dit-elle. Anne-Marie nous accueille dans ses bureaux du Vieux-Montréal avec une bise rieuse et chaleureuse.

Elle demande à son «assistant» Felipe del Pozo de nous ouvrir une bouteille de Crémant de Bourgogne. Hospitalière, elle propose de faire un «salute» avant de trinquer au lancement de son livre et à sa chaîne de «divertissement adulte» Vanessa, en ondes fin octobre. Il est 11h. Nous sommes là pour parler de Confessions sauvages qui raconte l'histoire d'une fille en sous-vêtements qui part sur les routes du Québec, un road trip dans le 418, le 450 et le 819.

À ses «lecteurs», Anne-Marie offre 140 pages de seins rebondis et de cul tout cru dans un monde rural où le genre masculin est en voie d'extinction. AML n'est pas radine sur ce qu'elle donne à voir. Mais qui veut en connaître plus long sur ce qui se passe entre ses deux oreilles devra se lever de bonne heure.

«Je trouve plus indécent de parler de moi-même que de me faire photographier», avance-t-elle dans les premières minutes de notre entretien. Elle a la nervosité sympathique, gesticule un peu, avale une gorgée de mousseux si une question l'embarrasse. «C'est mon petit défaut, je bois trop.» Deux flûtes y passeront pendant l'interview.

Elle rigole tout le temps, reste polie et courtoise, n'est jamais vulgaire. On ne se débarrasse pas d'une bonne éducation en faisant son pain et son beurre avec l'industrie du sexe.

Pendant les trois premières années du secondaire, à la fin des années 70, Josée Vallerand a côtoyé Anne-Marie Losique, qui portait alors le nom composé de Beaudry-Losique, au collège privé Marie-de-France. «À l'époque, elle faisait beaucoup de sport, dont de l'équitation et du ski. Ses parents avaient des chevaux, des moutons, des poules et des chèvres. C'était une bolle en classe. Quand je la vois faire la niaiseuse à la télé, ça me fait drôle. Et on ne va pas le cacher: elle aimait déjà faire la fête», se souvient Josée Vallerand, aujourd'hui archiviste au musée Exporail de Saint-Constant.

C'est aussi dans les classes de Marie-de-France qu'Anne-Marie Losique s'est liée d'amitié avec la comédienne Martine Francke, qui joue dans Providence. «On foxait l'école ensemble. On était un peu ratoureuses et on était des bonnes menteuses. On allait dans des danses et on cruisait des gars. C'était une fille très drôle et plutôt timide. Elle était brillante, très intelligente. Elle était assez parfaite», détaille Martine Francke, qui n'a toutefois pas gardé contact Anne-Marie.

En entrevue, AML se montre farouche, impénétrable. Même face aux questions les plus innocentes. Enlever son linge, c'est une bagatelle. Mettre son âme à nu, voilà qui est une toute autre paire de manches. «Je parle peu de moi. Mais j'écoute beaucoup», insiste-t-elle.

Qui est cette fille à poil sur un cheval? se demande-t-on en feuilletant son bouquin. Sa réponse: «Quoi, ça vous met mal à l'aise la nudité?» Malgré les images explicites de Confessions sauvages, il faut pédaler pour lui faire parler du sujet de son livre, le sexe. Que fait-elle pour obtenir ce super corps? «Ah! C'est très féminin, ça comme question. Je fais plein de trucs; du jogging, du vélo, du Bixi, du hot yoga l'hiver. Je nage aussi, je fais attention à ce que je mange.» Et elle confirme l'évidence: «C'est bien d'être en forme, mais il y a aussi un côté esthétique là-dedans, je ne vais pas être hypocrite».

Quelles opérations de chirurgie plastique a-t-elle subi? «Je ne parle pas de ça, c'est personnel. De toute façon, tous ces sujets de conversations féminins, les ongles, les cheveux, je ne parle pas de ça. Je trouve ça insipide.»

Autre sujet tabou: son âge. Elle balaie toutes les questions à ce propos (elle a 45 ans). «Je n'aime pas ça être cataloguée», glisse-t-elle.

AML est une autre

La «big boss» d'IDI (Image Diffusion International) parle de ses émissions comme de «produits» qu'elle contrôle de A à Z. Elle reconnaît qu'après toutes ces années à se faire analyser, varloper, parodier, photographier, un «personnage» a pris forme. Une AML fantasmée et construite de toutes pièces qui aurait peut-être très peu en commun avec la jeune animatrice un peu maladroite révélée au public à MusiquePlus dans les années 90.

«On a souvent parlé de mon «personnage». Longtemps, cela m'a énervée: je n'avais pas l'impression d'avoir donné à voir quelque chose de faux. Mais finalement, je me suis rendue compte que ce personnage avait été créé par plein de trucs qui ont été écrits sur moi, par ce que les gens disent, etc. Au bout du compte, cela m'a bien servi. Le personnage a érigé une sorte de mur qui me protège. Je n'ai pas particulièrement envie d'éclaircir ce qui est vrai et ce qui est faux. Je veux que les gens puissent me façonner. Que je sois un fantasme positif ou négatif, si ça leur fait du bien de bitcher contre moi, tant mieux. Je trouve qu'on en sait trop sur les gens, de nos jours.»

Voilà, c'est dit: Anne-Marie Losique n'a pas l'intention de se répandre dans les magazines à potins avec des révélations sur sa vie sentimentale ou sa peur des araignées. Une posture plutôt originale, en cette ère où le plus anonyme des quidams s'expose sur Facebook ou Twitter.

Si elle a accepté de se mettre à nu dans son livre, c'était parce qu'elle savait qu'elle avait le contrôle sur le produit final. C'est Hollywood qui a amené l'animatrice de Box Office sur les traces de l'industrie du sexe. «Je regardais les actrices d'Hollywood, je me disais "putain, elles ne bougent pas, elles sont tellement placées, elles se font repoudrer aux deux secondes même si elles sont magnifiques". Puis t'arrives dans ce milieu (le XXX) où les filles ne sont même pas si belles que ça. Elles ont de la cellulite mais, au moins, elles marchent librement, elles sont à l'aise.»

Ce qui l'intéresse? «Les voyages, la culture générale, les livres lus récemment. Ce n'est pas nouveau, mais je suis en train de lire un Jean Ziegler.»

Parlant de bouquins, c'est son ami Blaise Renaud, directeur commercial chez Renaud-Bray, qui lui a d'abord montré Le livre d'Olga, qui allait lui inspirer ce Confessions sauvages. Publié chez Taschen, ce recueil de photos osées a été offert en 2008 par un oligarque russe en cadeau à sa troisième épouse, Olga Rodionova, membre de la jet set moscovite. «Je voulais qu'elle s'en inspire pour produire son propre livre», confie Blaise Renaud, qui côtoie Anne-Marie Losique depuis dix ans.

Quand on demande à la reine du soft porn de nommer ses amis intimes, elle répond: «je n'en ai pas». Elle ne se confie pas non plus à un psy: «Je n'y crois pas pour moi, mais si ça aide les gens, tant mieux. Les sports, les voyages, ça c'est ma thérapie». Et sa famille? Elle n'est pas très famille. «Je n'ai jamais vraiment fait partie de groupes», révèle-t-elle.

Côté business, AML a cofondé IDI en 1995 avec son conjoint Marc Trudeau, avec qui elle a vécu pendant près de 15 ans, avant de se séparer l'an dernier. Les deux ex bossent quand même ensemble, dans l'harmonie. «Il faut être assez ouvert d'esprit pour travailler avec moi. Un jour, mes employés me voient nue sur un cheval et le lendemain, je leur donne des ordres dans un power meeting».

Pour la chaîne Vanessa, elle a un plan de cinq ans. Le jour où elle se sentira un peu blasée par l'industrie, elle promet de débarquer de l'arène. «Après la chaîne, je vais passer à autre chose.» Passer à quoi? «Ben, à quelque chose de plus pertinent.» D'AML, on n'a peut-être encore rien vu, croyez-le ou non.