Au chapitre des «rencontres inespérées», le thème des Correspondances d'Eastman qui se déroulent du 5 au 8 août, voici celle de la comédienne Pascale Montpetit et de l'écrivain Dany Laferrière. Entrevues croisées avec deux artistes qui rêvent de basculer dans la fiction «avec âme et bagages».

La rencontre de la comédienne Pascale Montpetit avec l'oeuvre de Dany Laferrière est de celles qui changent la vie. Elle a été envoûtée, allant jusqu'en Haïti s'imprégner des décors et de l'atmosphère. Plus tard, en la croisant par hasard en Afrique, Dany Laferrière a vu en elle un personnage de Truman Capote. Puis, dans L'Énigme du retour, il l'a véritablement fait entrer dans la fiction en relatant son passage à Petit-Goâve.

«La boucle est bouclée!» s'esclaffe la comédienne, qui participera le 7 août avec Mireille Métellus, Mani Soleymanlou et le metteur en scène et comédien Martin Faucher au spectacle littéraire Je suis un pays rêvé, collage de textes de Dany Laferrière présenté aux Correspondances d'Eastman.

Pascale Montpetit a d'abord été séduite par le titre de J'écris comme je vis, un recueil d'entretiens avec l'écrivain. «En le lisant, j'ai eu l'impression de rencontrer un ami.» C'était il y a une dizaine d'années. En deux semaines, frénétiquement, elle a lu tous ses romans.

«Je me suis inventé un jeu: aller voir à chacune des adresses mentionnées dans ses livres.» Rue Saint-Denis, avenue du Parc... Elle s'est même rendue à Port-au-Prince et à l'adresse de la grand-mère de Laferrière, à Petit-Goâve, où le jeune Dany avait été envoyé après que son père eût été inquiété par le régime Duvalier.

«Il fallait que j'aille voir, dit-elle. Ce n'est pas nécessairement la personne qui m'intéressait. Un artiste qui nous marque c'est quelqu'un qui a mis beaucoup de lui dans ses oeuvres. Et j'aime faire des liens entre l'oeuvre et la vie de l'auteur.» Tout «japonais» qu'il se prétende, Laferrière lui a aussi ouvert une porte sur la culture haïtienne, sa littérature, sa peinture.

Quelques années plus tard, l'écrivain racontait dans une chronique dans La Presse sa rencontre surréaliste avec l'actrice sur une «minuscule piste de danse» de Bamako, au Mali. À l'époque, il lui avait trouvé une ressemblance avec le personnage de Holly Golightly, «fantasque personnage» de Petit-déjeuner à Tiffany de Truman Capote. Sa conclusion, aujourd'hui? «On peut rencontrer Pascale Montpetit n'importe où dans le monde!»

«C'est quelqu'un qui croit que la littérature est une affaire de vie, dit-il. Elle a vu quelque chose qui ressemble à des traces de vie dans mes livres. Elle a voulu aller voir. Je fais la même chose. Traverser le miroir, pour moi c'est la seule façon de lire!»

«C'est mon rêve de passer complètement dans la fiction avec âme et bagages. J'ai toujours senti que c'était possible. Possible en accumulant l'écriture que je fais, les lectures que je fais quand je n'écris pas, les gens que je rencontre qui font partie de l'univers littéraire et me parlent de mes livres et des lectures. Je crois que je réduis la vie réelle à une portion congrue. Basculer dans la fiction, c'est ce que je fais en mettant en scène dans mes livres des gens que je rencontre.»

«Je suis pareille! s'exclame Pascale Montpetit, quand on lui rapporte ces propos. On invente sa vie. On peut être où on veut dans sa tête. Il n'y a qu'à lire des récits de prisonniers incroyables, comme celui de Nelson Mandela. Ce n'est pas que la réalité soit insupportable, mais j'ai besoin de l'inventer. C'est l'idée que je me fais des choses qui m'importe.»

Les rencontres sont au coeur du travail de l'écrivain. «J'écris précisément pour pouvoir rencontrer les gens de la manière la plus intéressante possible», résume Dany Laferrière. «Souvent le lecteur connaît mieux la partie la plus intéressante de l'homme que lui-même. C'est un passe-partout qui permet de circuler sans faire attention aux frontières, aux classes sociales, aux races.»

Pour choisir les extraits qui seront lus en spectacle, le metteur en scène Martin Faucher s'est penché sur une dizaine de romans. Il en a retenu cinq afin de mettre en lumière deux périodes de l'oeuvre et de la vie de l'écrivain: le début de l'âge adulte et l'arrivée à Montréal, dans l'Amérique «mythique», en opposition à l'enfance et le début de l'adolescence à Petit-Goâve, «dans l'harmonie avec la nature», explique-t-il.

Lire Dany Laferrière, alors qu'Haïti est toujours en ruine depuis le séisme de janvier, «cela aiguise encore plus l'importance des souvenirs, la description des lieux. C'est dans ces cas-là qu'on se rend compte que le geste artistique est tellement important parce qu'il témoigne de choses bien friables, bien fragiles».

Je suis un pays rêvé Théâtre La Marjolaine, Eastman Samedi 7 août, 19h30.

Pour la programmation complète des Correspondances: www.lescorrespondances.ca