On parle beaucoup de tweetlittérature ces derniers temps, ce nouveau phénomène littéraire en 140 caractères créé par Twitter, et dans lequel pourrait peut-être entrer ce livre étrange, Je suis complètement battue.

Mais Éléonore Mercier fait pas mal plus dans le social que dans les réseaux sociaux; pendant quelques années, elle a noté les premières phrases de femmes en détresse, ou de gens de leur entourage, qui téléphonaient au centre d'aide où elle travaille, pour en arriver à la conclusion qu'«elles contenaient à elles seules des vies tout entières». Des vies brisées, évidemment.

Sans modifier quoi que ce soit à leurs paroles, parfois maladroites, on comprend souvent en une phrase la misère, le déni, la peur, l'impuissance. Des situations insoutenables qui durent depuis des années et qui culminent dans ces appels désespérés.

«Je vous appelle parce que mon conjoint m'a tapée plus que d'habitude.» «On vient de s'apercevoir qu'une collègue est battue par son mari.» «J'ai l'impression que je suis en train de mourir, avant j'étais gaie.» «Ma fille a déjà appelé pour moi, j'ai décidé d'en finir.» «Je commence à avoir de plus en plus peur car avant il frappait sans haine.»

Sans mauvais jeu de mots, l'exercice est... frappant. Autant de voix anonymes qui, mises bout à bout, révèlent le fléau vraiment trop répandu de la violence conjugale; 1653 voix, pour être plus précis. Et combien d'autres qui se taisent?

________________________________________________________________________________________________________

* * *

Je suis complètement battue. Éléonore Mercier. P.O.L., 107 pages, 22,95 $.