Afrique du Sud, 1973. Marnus, le narrateur, est un garçon de 11 ans, de parents afrikaners. Il vit une enfance choyée et paisible, évoque ses oreilles décollées, son copain Frikkie, la pêche... mais aussi Nixon, le Vietnam, les Russes, Golda Meir ou Mao Zedong.

Marnus est-il un génie des relations internationales? Plutôt le fidèle rapporteur des propos entendus de ses parents, notamment de son père, général dans l'armée.

Les «coloureds»? «On ne peut jamais leur faire confiance», «le week-end, ils se soûlent, violent et se tuent les uns les autres», note-t-il, après un de ces innombrables «maman dit que» ou «papa dit que».

Marnus est un élève modèle, il apprend vite. Comment pourrait-il remettre en question, à 11 ans, que «la pop music peut vous transformer en drogué» ou que «les communistes sont partout»? Le malaise s'installe progressivement, allant crescendo et faisant éclater la banalité du racisme.

La force du témoignage vient de ce que l'enfant est innocent, sans volonté de faire le mal. Inaccessible au manichéisme, le récit s'achève sur un crime glaçant, que Marnus se résout à taire, devenant ainsi adulte et coupable, refusant de déciller les yeux sur l'hypocrisie et de s'affranchir de la mentalité de l'apartheid.

Mais plutôt que de condamner ce garçon devenu soldat, on sort de ce captivant roman envahi d'un sentiment de pitié et de colère contre la bêtise humaine qui conduit, absurdement, à la barbarie et à la mort.

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L'odeur des pommes. Mark Behr. JC Lattès 299 pages, 29,95 $.