Parmi les metteurs en scène européens, Luc Bondy est l'un des plus respectés. Né en Suisse, travaillant en Allemagne, en France, il a signé l'automne dernier à New York une Tosca huée par le public conservateur du MET.

Il a dirigé la Schaubühne de Berlin, prenant la succession de Peter Stein. À plus de 60 ans, affligé de maux de dos qui le forcent à diriger ses acteurs couché sur un lit, il a décidé non pas de se mettre au roman (on sent qu'il n'y en aura pas d'autre) mais d'en écrire un.

Par un jeu de cache-cache, passant du il au je, il se glisse dans la peau de l'assistant metteur en scène d'un maître décédé. Assis à la fenêtre d'une maison de Zurich, il pense aux siens, ses morts (une partie de sa famille asphyxiée dans les camps), ses camarades de théâtre, sa mère danseuse qui vécut jusqu'à 92 ans, sa maîtresse qui le quitte.

Il sait que la mort lui bondira dessus. Il l'attend. Passant des heures à imaginer l'instant de l'agonie.

Un médecin mélancolique à la retraite s'occupe de lui, en vieux Tchekhov. Quelle étrange façon pour un artiste tel que Bondy de se laisser aller au mouroir via l'invention d'un autre qui ne peut être que lui quoiqu'il écrive que «tout dans ce récit est proche du plausible et pourtant pas dans le réel». Plausibilité émouvante. Un homme entre chien et loup.

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À ma fenêtre. Luc Bondy. Christian Bourgois, 148 pages.