Un nouveau roman mêlant réalité et fiction raconte les derniers jours de Stefan Zweig. L'occasion de renouer avec l'auteur autrichien mort en exil en 1942.

On disait de lui avec admiration: c'est l'écrivain de la sensibilité. C'est vrai qu'il pouvait nous faire voir une nuance, la merveilleuse nuance comme disait Nabokov, avec une élégance et un raffinement efficaces (ce qui ne va pas toujours ensemble). L'écrivain du subtil, devenu très vite célèbre. L'écrivain d'une époque, aussi, et d'un lieu. L'époque: entre-deux-guerres. Le lieu: Vienne, en ce temps-là capitale de l'art du Monde.

Mais écrire à Vienne lorsqu'on est juif et qu'un autre Autrichien nommé Adolf s'empare du pouvoir... Alors Zweig est malheureux, le mot est faible, désespéré. Adoré des femmes, de toutes les femmes, il rencontre Lotte Altman. Un amour total, et Lotte lui dit: «J'irai avec vous jusqu'en enfer.» Ils décident de s'exiler. Ils commenceront par l'Angleterre, puis les États-Unis, puis le Brésil où ils s'installeront. On est bien partout pour écrire, dit-on. Mais pas lorsque l'on est Stefan Zweig, horrifié par le malheur de cette Europe qu'il adore, de Vienne qu'il vénère, épouvanté par la mort de cette culture, de ce refus de la médiocrité et de la vulgarité... par la guerre aussi et surtout, cet «immonde monstre de millions de têtes» qui vient de mettre la patte sur le Monde. L'exil n'est peut-être pas la solution. Le 22 février 1942, à Petropolis au Brésil, il se couche près de Lotte, ils se donnent la mort.

Le récit des six derniers mois de la vie des deux amants désespérés, on le trouvera dans ce petit livre extraordinaire: Les derniers jours de Stefan Zweig, écrit par Laurent Seksik, qui est écrivain et médecin. Un si bon écrivain ne peut pas être un mauvais médecin. C'est comme un roman d'amour, d'amour impossible et blessé à mort, l'amour de la Beauté, de l'Intelligence, de la Tendresse, de la Culture, de l'Art... tous avec des majuscules. Et c'est autant le roman de Zweig que celui de Lotte, davantage pour cette dernière.

Renouer avec l'auteur

Si l'on désire renouer un peu avec Zweig, on pourrait lire ce qui s'est publié récemment. Par exemple Destruction d'un coeur (Éditions Gutenberg, 110 pages, 29,95 $) où l'on peut contempler la jalousie d'un vieillard que la jeunesse de sa fille dérange. Ou encore l'irruption de l'amour dans le coeur de la gouvernante, Mademoiselle. Ou encore la conversation de deux personnes dans une station balnéaire tout à fait désuète (la conversation aussi). Un livre de trois nouvelles, trois petits romans écrits à des années d'intervalle, mais les conventions sociales n'ont guère changé aujourd'hui.

Et puis, Zweig écrivant un «suspense»? Pourquoi pas. Voici Un soupçon légitime (Grasset, 140 pages, 16,95 $) où l'on trouvera un drame, resté inexpliqué, entre un homme, sa femme, un chien, et une petite fille. Tragique et superbe, c'est bien du Zweig. (Pour les germanophiles, le texte français est suivi du texte original allemand).

______________________________________________________________________________________________________

* * * *

Les derniers jours de Stefan Zweig. Laurent Seksik. Flammarion, 188 pages, 34,95 $.