André Brassard, l'homme de théâtre qui a travaillé dans l'ombre pendant plus de 40 ans, se met à nu, dans une biographie qui vient de paraître alors que la maladie l'afflige de plus en plus, à 63 ans.

On a connu le metteur en scène des oeuvres du dramaturge Michel Trembay, son complice pendant longtemps, mais comme jamais, l'homme se dévoile, complètement, dans Brassard, un ouvrage signé Guillaume Corbeil, un auteur âgé de 29 ans.

À l'origine, le projet d'écriture revenait au chroniqueur et homme de théâtre Jean Fugère, mais affligé par la maladie, il a dû passer la main à Corbeil.

Pour ce lancement organisé mercredi par Libre Expression, on avait prévu une belle mise en scène; un dialogue franc Fugère-Brassard-Corbeil, en présence de nombreux comédiens qui ont tous écouté religieusement l'échange, dans une salle de l'École nationale de théâtre.

Fugère, qui a signé la préface de neuf pages dans laquelle il encense l'homme, a interviewé Brassard pendant une trentaine de minutes, devant ceux et celles qui ont joué du Michel Tremblay ou qui ont été près du metteur en scène.

Les Andrée Lachapelle, Sylvie Léonard, Guy Nadon, Gérard Poirier, Kim Yaroshvskaya -Franfreluche- ou encore l'incontournable Paul Buissonneau, étaient là comme l'avait souhaité Brassard.

Face à eux, il leur dira un merci sincère, bien senti, en affirmant qu'il n'avait pas de méthode, qu'il avait plutôt une attitude. «Merci, pour tant de talent, de générosité, d'ouverture d'esprit, de m'avoir subi dans mes folies. J'ai bénéficié, des comédiens, d'une confiance qui a permis de m'épanouir et d'apprendre ce que j'ai pu apprendre» a soutenu l'homme de théâtre.

Au sujet de son histoire et sa contibution au monde du théâtre, il préfère ne pas trop élaborer et invite simplement à lire le livre.

Au sujet de Michel Tremblay, qui est venu le saluer, il sera peu loquace bien qu'il fasse partie des trois personnes à qui le livre est dédié.

«On se parle un peu, a dit Brassard. Moi, je suis enfermé chez-moi avec ma compagne, la maladie, et lui est souvent en Floride. C'est sûr qu'on n'est pas intime et complice comme on a déjà été. Notre relation s'exprimait dans l'action. Maintenant c'est impossible. N'importe quelle relation, au bout de 30 ans, n'est pas comme celle des dix premières années» a-t-il martelé.

Tremblay dira avant de quitter le lieux qu'il n'avait pas lu le livre encore. Mais il a tenu à saluer le courage de l'homme qui a été foudroyé par un accident vasculaire-cérébral en 1999.

André Brassard a eu le temps de passer quelques messages. Il soutiendra notamment qu'il est plus difficile de créer aujourd'hui, le producteur ayant le gros bout du bâton, «dans un monde matérialiste délirant», pour reprendre son expression.

Il décochera aussi une flèche à l'endroit de certains comédiens. «Il y a quand même une limite à se montrer le cul à la télévision, a-t-il dit. Le comédien a des valeurs à véhiculer, il doit être conscient des images qui sont véhiculées» a-t-il mentionné déplorant une certaine vulgarité en ondes.

Ces propos, et bien d'autres, se retrouvent dans le livre de 280 pages qui s'intéresse au parcours de cet homme peu ordinaire. L'ACV dont il a été victime il y a plus de dix ans l'a assommé, suivant une vie mouvementée. Il va se relever mais péniblement. Et il y a deux ans, il signait la mise en scène de Oh les beaux jours de Samuel Beckett.

Brassard s'est livré au jeune Corbeil qui a su relever la lourde tâche de parler de l'homme. «J'avais aucun indice de ce dont il me parlait mais en même temps, ça l'obligeait à tout m'expliquer comme à un enfant d'école un peu bê-bête, a affirmé le jeune auteur.Tant mieux, je ne voulais pas un livre qui s'adresse uniquement aux initiés. Je voulais qu'une personne de ma génération puisse réaliser l'ampleur du personnage sans le connaître.»

Son domaine privé s'est ouvert, complètement, sans censure.

«C'a été le fun d'écrire, a souligné le jeune auteur. Il a été vraiment impudique, faisant montre d'autodérision tragique. Ça me rejoignait un peu ce côté moqueur, cynique. Il insistait pour raconter des choses. Il ne voulait pas de bullshit. Il est allé dans les détails, il voulait un rapport honnête. Pour lui, être honnête avec le public, c'est très important.»

L'homme a donc parlé autant de son travail que de vie privée. «J'ai trouvé un équilibre, en parlant des deux.»

André Brassard s'est fait connaître par la mise en scène de la pièce-culte Les Belles Soeurs de Michel Tremblay, qui a choqué une certaine élite à la fin des années 60.

Il est derrière la création du Théâtre d'Aujourd'hui en 1968, dans un Québec qui commençait à bouger après la Révolution Tranquille et une exposition universelle marquée par l'ouverture sur le monde.

Il a aussi agi comme directeur du Théâtre français du Centre national des arts canadien de 1983 à 1989.

Il a aussi touché au cinéma, en réalisant les films Françoise Durocher, waitress et Il était une fois dans l'Est, toujours avec Michel Tremblay.