Elle n'était pas destinée à la littérature jeunesse, mais Mélanie Watt s'y est attardée, pour notre grand bonheur. Depuis, elle rafle tous les prix. Bienvenue dans l'univers déjanté de Frisson et ses amis.

Son chat Chester gribouille sur ses dessins. Son écureuil Frisson est un phobique chronique et son rat, Al Leruzé, un fin manipulateur en marketing. Il faut le dire, Mélanie Watt est la maîtresse d'une bien loufoque ménagerie.

C'est pourtant un simple travail de fin de semestre en graphisme qui a lancé inopinément la carrière de la jeune femme. «C'était l'illustratrice pour enfants Michèle Lemieux qui dirigeait les travaux et j'étais charmée par son travail, explique l'auteure et illustratrice. Mon but à l'époque était de travailler en publicité mais j'aimais bien l'idée de faire quelque chose de différent. Bien sûr, j'ai été la seule à présenter un livre jeunesse.»

À sa grande surprise, des éditeurs ont publié son projet sur-le-champ. «Ça m'a évidemment encouragée, admet-elle. J'avais beaucoup aimé l'expérience parce que j'avais le contrôle sur un environnement, sur un personnage, sur une histoire, sur un monde imaginaire. J'ai alors décidé de faire la même chose avec un autre travail sur les couvertures de livres. Quand je l'ai envoyé à l'éditeur, il m'a commandé les livres qui allaient avec! Sans le savoir, je m'étais bâti une collection», affirme Watt.

L'auteure qui signe elle-même les traductions de ses albums demeure la première étonnée de ce revirement.

«Je me considérais à l'époque comme une illustratrice, mais je sais maintenant que je suis une personne d'idées, de concepts. Or, je n'avais jamais rien écrit de ma vie. Je ne connaissais que le design!»

Rat de la finance

C'est en parcourant un album de l'auteur américain Mo Willems (Sesame Street) que Mélanie Watt a découvert comment exploiter ses idées. «C'est fascinant parce qu'il n'y a pas vraiment d'histoire dans ses livres, explique-t-elle. Je me suis alors rendu compte que je n'avais pas besoin d'écrire un récit conventionnel. Je pouvais, par exemple, faire un album délirant sur la peur d'un écureuil et simplement pousser le ridicule.»

C'est ainsi qu'est né Frisson, l'écureuil xénophobe qui a permis à son auteure de récolter pas moins de cinq prix au Canada et aux États-Unis. Elle en a gagné deux autres avec Chester, le chat en manque d'attention. Gageons que son dernier titre, J'ai tout un livre pour toi, mettant en vedette un rat qui tente sans scrupule de vendre son livre, séduira également les jurys. C'est que l'ouvrage illustré se moque... des rouages de la publicité!

«Les vendeurs professionnels ont un drôle de charisme qu'il m'apparaissait intéressant d'exploiter, avoue-t-elle. Et j'étais convaincue que ça intéresserait les enfants. De plus, ça peut servir d'outil aux parents. Parce que dans le fond, la vente est une forme de manipulation et les enfants n'en sont pas à l'abri. Peut-être diront-ils en regardant une publicité à la télévision: Eh, regarde, c'est comme dans mon livre.»

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J'ai tout un livre pour toi. Mélanie Watt. Éditions Scholastic; 32 pages. 9,99 $.