Il y a cent ans naissait Eugène Ionesco: un siècle plus tard, ce maître d'un «théâtre de la dérision» bousculant les codes du langage est considéré comme un classique et figure toujours, 15 ans après sa mort, parmi les auteurs d'expression française les plus joués dans le monde.

Le centenaire, fêté jeudi, a suscité une exposition de grande ampleur à la Bibliothèque nationale de France (programmée jusqu'au 3 janvier), des colloques et plusieurs spectacles de Paris à New York.

Une manière de mieux connaître la personnalité complexe de cet auteur avant-gardiste d'«anti-pièces», qui disait son «horreur du théâtre» (en 1951) avant d'être considéré comme «un contemporain classique», publié de son vivant dans la prestigieuse collection de la Pléiade. Un «satrape» du Collège de Pataphysique (1957) qui a été admis à l'Académie française (1970) puis s'est tourné vers la peinture, refuge de ce croyant contre le chaos des mots et la dépression.

Quelque 80 productions professionnelles d'oeuvres de Ionesco ont été autorisées dans le monde pour 2009 et les mois qui viennent, selon la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), mandatée par la fille du dramaturge, Marie-France Ionesco, pour collecter les droits générés par son théâtre.

Signe de sa popularité, Eugène Ionesco (1909-1994) est l'objet d'un record mondial: le Théâtre de la Huchette à Paris joue La Leçon et La Cantatrice chauve chaque soir ou presque depuis... 1957.

À cette «performance un peu morte» selon elle, Marie-France Ionesco préfère les initiatives prises par une nouvelle génération d'hommes de théâtre, en France comme à l'étranger.

«C'est vrai que dans les années 70, son oeuvre a été un peu écartée des scènes pour des raisons idéologiques», dit à l'AFP l'héritière, en allusion au fait que Ionesco, très hostile à un théâtre politique, s'est vivement opposé aux «brechtiens», tout-puissants à cette époque.

Selon la SACD, Ionesco fait aujourd'hui partie des dix auteurs les plus joués en France, et figure au titre des droits générés dans le pays parmi les plus populaires des humoristes français.

Son théâtre, traduit dans des dizaines de langues, jouit en outre d'une forte diffusion mondiale: selon les années, entre 20 % et 60 % des droits sont collectés hors de France. Entre 2004 et 2008, 48 pays ont accueilli ses pièces (dont Le Roi se meurt, jouée récemment à Broadway par Geoffrey Rush et Susan Sarandon). Aux côtés des pays francophones (Canada, Belgique, Suisse...), figure l'Europe de l'Est (Roumanie mais aussi République tchèque, Hongrie, Pologne, etc.), où l'anti-autoritarisme de Ionesco l'a rendu célèbre.

Largement enseigné, l'auteur est aujourd'hui «classique au sens étymologique», relève sa fille. À l'école, il est souvent répertorié au rayon «théâtre de l'absurde», en compagnie de Beckett et Adamov, bien qu'il préférait lui-même l'expression «théâtre de dérision».

«C'est aussi un théâtre d'interrogation, souligne Marie-France Ionesco. Au fond, ce qu'il voulait, c'était retrouver les grandes structures du théâtre classique, celui de Shakespeare et des tragiques grecs. Là où le théâtre est interrogation métaphysique».