C'est une année faste pour Diane Dufresne avec la tournée de son album Effusions, le recueil Les cent plus belles chansons du Québec, dont elle signe les illustrations, et son livre Mots de tête, en librairie depuis deux semaines. Aujourd'hui, elle sera au Salon du livre pour une séance de signatures. Entrevue sur ses «mots de tête».

«Expliquer qui je suis et pourquoi je ne le suis plus. Qui es-tu au mieux de ton prestige, et qui n'es-tu pas au pire de toi. J'avoue que je ne sais pas exactement.»

 

Dans son livre Mots de tête, Diane Dufresne parle à ses lecteurs sur le ton du journal intime. Ce n'est pas une biographie de facture classique, même si la chanteuse revient sur des moments marquants de sa vie.

«Le titre du livre aurait pu être Au jour le jour avec le temps qu'il me reste, indique l'artiste. Ce n'est pas une libération. Je ne règle pas de comptes. Je voulais simplement avoir un contact avec les gens qui me suivent depuis plusieurs années.»

Diane Dufresne s'est fait dire que Mots de tête ne contenait pas de révélation-choc. «Ce livre reflète qui je suis, dit-elle. On m'a décrite comme une diva qui avait du caractère, ce que je ne suis pas.»

Sur scène, Diane Dufresne est flamboyante. Mais quand vient le temps de parler d'elle, l'artiste est souvent mal à l'aise et discrète. Diane Dufresne s'est rarement autant confiée que dans son livre. «Ça m'inquiétait beaucoup, indique-t-elle. J'avais peu parlé de ma mère et de mon amour (avec Richard Langevin).»

La chanteuse avait 12 ans quand sa mère est morte. «Mon frère avait 3 ans, souligne-t-elle. Nous étions très jeunes pour vivre la mort. La mort, c'est terrible.»

Dans le chapitre J'ai quelque chose à te dire, Diane Dufresne s'adresse à sa mère. «La dernière fois que je t'ai vue, j'arrivais les bras chargés de cadeaux à l'hôpital Saint-Luc. Un baby doll de dentelle trouvé au nouveau magasin Reitmans, un séchoir à cheveux portatif qui t'avait étonnée, des fleurs de toutes les couleurs (...) Un faible frôlement de ton doigt au creux de ma paume manifesta ta joie de me revoir. Tu te meurs sans que je puisse rien y faire (...) J'ai adoré ma maman jusqu'à voir dans le visage des statues de la Vierge Marie les traits de ma mère trop belle pour mourir.»

«La solitude est arrivée dans ma vie ce jour-là, explique Diane Dufresne en entrevue. Quand tu écris, tous les détails reviennent. C'est comme si les mots avaient une mémoire.»

Mots de tête se déroule de 2008 à 2009, sur une période d'environ un an et demi, avec plusieurs allers et retours dans le passé. Les lecteurs pénètrent dans l'univers angoissé et rempli de doutes de Diane Dufresne. «Avoir du fun, c'est un mot que j'ai rarement utilisé dans ma vie, opine-t-elle. Je prends les choses au sérieux.»

Dans son livre, Diane Dufresne cite des gens qu'elle admire, que ce soit Julie Payette, Hubert Reeves, Laure Waridel ou Steven Guilbeault. Qu'est-ce qui réunit tous ces gens? «Ils prennent ce qu'ils font au sérieux, répond l'artiste. J'admire des gens conscients qui font juste ce qu'ils ont à faire. Je n'ai pas d'admiration pour les politiciens, pour les gens vendeurs ou centrés sur l'argent.»

 

Proposition de Michel Lafon

Il y a plusieurs années, l'éditeur Alain Stanké avait offert à Diane Dufresne de mettre sa vie ou ses idées par écrit. Absorbée par une tournée, l'interprète de Tiens-toé ben, j'arrive avait dû refuser.

C'est finalement l'éditeur français Michel Lafon qui l'a convaincue d'écrire un livre... Le livre qu'elle voulait. «Je voulais qu'il lise ce que j'écrivais au fur et à mesure, mais il m'a dit que ce n'était pas nécessaire.»

Pour Diane Dufresne, tout projet est une question de timing, que ce soit un livre, un disque ou une exposition. Elle considère que les occasions viennent naturellement à nous quand on est conséquent avec ce qu'on est. «Quand on n'est que soi, on a des rendez-vous avec la vie, dit-elle. La vie est une projection de ce qu'on est, donc il faut toujours être prêt.»

En lisant Mots de tête, on sent que Diane Dufresne n'est pas entourée d'une multitude d'amis, mais de plusieurs personnes de confiance. «On dit que je suis quelqu'un de pas social... Je vois peu de gens, mais j'ai une disponibilité, explique-t-elle. J'essaie de travailler avec les mêmes personnes, car la confiance permet la créativité. C'est se créer une famille, une famille que l'on a choisie.»

Même si Diane Dufresne s'est dénudé les seins et s'est fait une réputation de «bête de scène» et d'«excentrique diva», elle n'est pas une femme très publique. Comme on le sait, elle se passerait bien de la promotion. «Ce n'est pas mon métier. Dans la vie, je ne réponds pas au téléphone. Faire de la promo, c'est se livrer... et on en fait toujours plus.»

L'artiste a souvent l'impression qu'elle est mal comprise par les médias. «J'ai un prix à payer pour être un outsider.»

Trois expressions artistiques

Dans le chapitre Depuis quand vous êtes qui, Diane Dufresne fait interagir la peintre, la chanteuse et l'écrivaine en elle. Ils ont le même «nom», mais pas la même «voie».

Diane Dufresne raconte également ses cours de peinture avec le Frère Jérôme. «Si j'ai écrit un livre, c'est à cause de lui. Il m'a appris à ne pas avoir peur de ma créativité. Quand je lui demandais: Comment je peux faire? Il me répondait: Fais-le.»

Diane Dufresne connaît une année prolifique. Il y a la tournée de son album Effusions, la sortie de Mots de tête, et elle signe également les illustrations du livre Les cent plus belles chansons du Québec, une anthologie préparée par Bruno Roy, en librairie depuis septembre.

L'artiste prépare aussi avec son amoureux - le sculpteur Richard Langevin - une exposition qui sera présentée à compter du 3 février à l'Espace création Loto-Québec. «On va montrer nos traits d'union. Dans mon art, je suis dans la liberté et l'instinct. Pour lui, tout est calculé et défini.»

Dans son livre, elle rend un hommage touchant à l'homme de sa vie. Elle décrit leur premier baiser échangé dans un taxi. «Aujourd'hui n'envie rien à cette première fois», écrit-elle.

En entrevue, Diane Dufresne indique que cet amour signifie ni plus ni moins que «rien n'est impossible». «Richard est drôle, lumineux, joyeux...»

«C'est bien de décrire un amour qui n'a pas 20 ans. Il est rempli de tendresse», ajoute-t-elle.

À 65 ans, Diane Dufresne est bien entendu préoccupée à l'idée de vieillir et d'un jour mourir, comme en témoignent des chapitres de son livre intitulés Passé-date, Mes jours sont comptés ou Décal-âge. Elle avoue avoir essayé de cacher ses rides avec des traitements et des chirurgies, mais elle dit sagement: «On ne perd pas ses moyens en vieillissant. On les atteint.»

«Il ne faut pas avoir honte de la vieillesse, poursuit-elle en entrevue. Les femmes doivent vivre avec les critères de beauté, mais il y a aussi la beauté de la pensée. La tête ne vieillit pas.»

Le suicide de Nelly Arcan, une jeune femme hantée par l'idée de vieillir, est «terrible», dit Diane Dufresne. «Elle m'avait interviewée il y a deux ans. L'une de ses premières questions était: «Quand vous étiez jeune, vous deviez avoir beaucoup d'amoureux et d'amants?» C'était vraiment une préoccupation pour elle.»

«Vieillir, c'est impossible si tu ne fais pas une part de détachement, fait valoir Diane Dufresne. Quand j'étais jeune, j'avais de gros nichons et une petite taille. En vieillissant, ça fait du bien de ne pas avoir tous ces regards sur toi quand tu entres dans une pièce.»

«À chaque âge, on a quelque chose à dire», conclut-elle.

Séance de signatures de Diane Dufresne au Salon du livre: aujourd'hui, de 14h à 16h, au stand des Éditions Michel Lafon (246).