C'est sur le thème «Le livre: une affaire de famille» que se dérouleront les six jours du Salon du livre de Montréal qui s'ouvre ce soir à la Place Bonaventure. Thème de circonstance, puisqu'il s'agit de l'événement culturel qui réunit le plus les 7 à 77 ans. Et comme dans toutes les bonnes familles, on reçoit en grand la parenté! Seront de passage parmi les auteurs étrangers au Salon cette année: Claude Ponti, Tonino Benacquista, Grégoire Polet, Claude Hagège, Pascal Bruckner, Éliette Abécassis, Alexandre Jardin, Bernard Werber, Guillaume Musso... Nous amorçons notre couverture avec le livre Vivre l'hiver au Québec de Normand Cazelais.

Remontant à ses plus lointains souvenirs, Normand Cazelais, un p'tit gars d'Ahuntsic, affirme d'emblée: «Je n'ai jamais souffert de l'hiver.»

 

Ses ancêtres qui, deux siècles avant lui, ont fréquenté l'église de la Visitation du Saut-au-Récollet, boulevard Gouin - «la seule église du régime français à Montréal» -, avaient peut-être l'oeil moins souriant en évoquant «l'enfer blanc», saison de souffrance et de privation pour qui y est mal préparé.

Mais les colons - et les prêtres et les soldats et les filles du roy - ont appris à faire avec et, au contact des «barbares» qui habitaient ces «quelques arpents de neige», ont contribué à l'émergence d'une culture nouvelle: la culture du froid.

En matière de neige, de frette et de glace, les Québécois sont des gens très cultivés, pas de doute. Ils le seront encore plus après la lecture de Vivre l'hiver au Québec que Normand Cazelais vient de faire paraître chez Fides. Ce beau livre, qui transcende la catégorie, s'avère une lecture également obligatoire pour: 1. ceux qui ne connaissent de l'hiver que ses manifestations les plus douloureuses; 2. ceux qui croient tout en savoir parce que «ils étaient là au verglas»; 3. tous les autres.

Parlons d'un livre d'intérêt général... «J'ai voulu montrer comment l'hiver nous touche», nous dira Normand Cazelais, ancien chroniqueur touristique à la radio et à la télévision mais géographe de formation, «gars de Montréal», retraité à Saint-Paul-d'Abbotsford où, entre autres activités, il veille à l'intégrité du mont Yamaska, «volcan avorté» au pied duquel nous lunchons ce midi-là.

Normand Cazelais a aussi travaillé en aménagement pour Hydro et à la Commission de toponymie du Québec, tout en écrivant une quinzaine de livres. Dont Ma cabane au Québec (Trécarré, 1997) qui traite aussi de l'hiver, comme Les quatre saisons dans la vallée du Saint-Laurent de l'historien Jean Provencher (Boréal, 1996). M. Cazelais aimerait bien écrire sur les trois autres saisons, mais il a déjà trois romans en chantier...

Vivre l'hiver au Québec... Notez l'ordre de mots: ce n'est pas vivre au Québec l'hiver. C'est vivre l'hiver, comme on dirait vivre l'amour ou l'enfer. «L'hiver nous a définis comme peuple», affirme Normand Cazelais en évoquant cette «continuité identitaire» dont il parle dans son introduction. Définis dans nos façons d'être, de nous transporter, de nous nourrir, de nous amuser, de nous loger, de nous voir, de parler... Et quelles «qualités» québécoises seraient le plus redevables à la saison dite morte? «La solidarité et la résilience», répond l'auteur en expliquant que, «dans les campagnes, le premier voisin était plus important que la famille».

Quant à la résilience, il est facile d'en comprendre l'importance pour un peuple qui, pogné pour «faire du pays», n'a jamais vraiment pu quitter le mode survie. «L'hiver ne dure pas toute l'année mais toute l'année, il faut vivre en fonction de ses impératifs», lit-on dans ce livre construit autour de 10 grands thèmes hivernaux. L'espace des routes fermées; le temps qu'il fait «frette en ta.!»; le harfang des neiges et le beau sapin; la cuisine «riche»; le quotidien dans la tempête; l'abri et les chassis doubles; le plein air le vent dans le nez; les fêtes avant Montréal en lumière; la culture qui «pète au frette» dans le pays qui n'est pas un pays; et l'été qui s'en vient... oups! il est passé.

Non mais, l'hiver, on connaît, hein? Okay... Pourquoi fait-il crissement plus froid à Sept-Îles qu'à Paris, pourtant situées à la même latitude? Et pourquoi, amants de l'hiver, la neige est-elle blanche et la glace, bleue? Armand Bombardier a-t-il vraiment inventé la motoneige? Un procédé utilisé dans les mines d'or blanc, la cryoextraction? Et un mets du Saguenay, le frasil? Qu'est-ce que ça mange en hiver, un junco ardoisé? Et où est-ce qu'il s'en va avec ses skis, Jack Rabbit?

Normand Cazelais n'a jamais souffert de l'hiver même que, en bon skieur qu'il est - c'est où Kandahar, encore? -, il le souhaite, l'espère. Comme la plupart d'entre nous. L'hiver s'en vient, oui, «p'is a'va être longue». «Les Québécois ne sont pas plus chialeux que les autres mais ils se mettent à râler quand il n'y a pas de neige à Noël...»

Mais quand la neige a neigé, ils se font poètes, comme mon ami Duguay, vieille barbe parti dans les neiges éternelles il y a 10 ans: «La terre, Lemay, a revêtu son blanc manteau d'hermine.»

___________________________________________________________________________________________________

Normand Cazelais au SLM, demain de 19 h à 20 h, vendredi de 20 h à 21 h, et dimanche de 16 h à 17 h. Le Salon du livre de Montréal, jusqu'au 23 novembre à la Place Bonaventure. Infos: www.salondulivredemontreal.com

____________________________________________________________________________

* * * *

VIVRE L'HIVER AU QUÉBEC. Normand Cazelais. Fides, 200 pages, 39,95 $.