Une première pour les prix littéraires du gouverneur général: le Conseil des arts du Canada a décerné deux prix à un même livre, le roman Harvey, dans le créneau littérature jeunesse.

Hervé Bouchard a été récompensé pour son texte à saveur poétique, alors que Janice Nadeau l'a été pour les illustrations accompagnant l'ouvrage.

«Le livre raconte l'histoire d'un petit garçon qui perd son père et qui doit apprendre à survivre à ça, tout simplement», a affirmé M. Bouchard après l'annonce officielle des lauréats, mardi, dans l'auditorium de la Grande Bibliothèque à Montréal.

Le romancier de Saguenay et l'illustratrice de Montréal font partie des 14 lauréats (sept en français et sept en anglais) qui recevront leur prix (25 000 $) des mains de la gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, le 26 novembre à Rideau Hall.

Le jury a souligné que l'auteur «a une écriture à la fois surprenante et d'une extrême sensibilité». Pour ce qui des illustrations, on a noté que «le dessin, tout en nuances, danse avec le texte et donne un rythme à la lecture du livre».

«Le livre parle beaucoup d'une enfance heureuse mais qui est brisée par l'événement, a signalé M. Bouchard, qui écrit aussi des romans pour adultes. Harvey, qui a l'imagination fertile, a de la difficulté à faire la différence entre la réalité et ses fabrications imaginaires. Et c'est son imaginaire qui triomphe.»

Les illustrations sont aussi importantes que le texte, a reconnu le romancier. «C'est le mariage entre l'illustration qui raconte et le récit qui procure des images», a-t-il résumé au sujet de son livre fait pour les jeunes de 10 à 110 ans.

L'illustratrice Janice Nadeau en était à son troisième prix littéraire du gouverneur général.

«Je connaissais déjà les textes d'Hervé Bouchard, a mentionné la jeune femme. Je travaillais à partir de ses mots. Je connaissais plus son texte que lui, probablement. C'est un grand bonheur que de mériter ces honneurs.»

Dans la catégorie romans et nouvelles, la palme est allée à Julie Mazzieri, de Saint-Paul-de-Chester, pour Le discours sur la tombe de l'idiot, un texte «noir» portant sur des gens d'un village qui veulent se débarrasser de l'idiot de la place. On estime que l'auteure a gagné son défi de rendre crédible une histoire lourde, qui pourrait fort bien faire l'objet d'un film.

En études et essais, Nicole V. Champeau, d'Ottawa, a mérité le prix pour Pointe Maligne, l'infiniment oubliée, un essai poétique qu'elle a produit après dix ans de travail. Ce livre parle de pans d'histoires disparus, oubliés, des peuples amérindiens et français du Haut Saint-Laurent, entre Cornwall et les Mille-Iles, du temps du régime français.

«C'est une partie occultée du fleuve, cette présence française qui se manifeste dans les cartes anciennes et les textes. On retrouve des patronymes délirants de beauté. Cet aspect de poésie de l'histoire m'a fascinée», a soutenu cette passionnée du Saint-Laurent qui a pu mettre la main sur des écrits du comte de Frontenac et de Radisson, pour ne nommer que ceux-là.

L'essai fait aussi référence à une période pas si lointaine de la construction d'un barrage hydro-électrique à Cornwall et de la Voie maritime (dans les années 1950), au cours duquel des gens ont été forcés de quitter leur village.

«On a détruit des villages en faisant déménager 6500 personnes. Il y avait du français. Ces lieux ont disparu de la mémoire», a déploré l'auteure franco-ontarienne.

En théâtre, le prix va à Suzanne Lebeau pour Le bruit des os qui craquent, une dénonciation de la guerre et des ravages qu'elle fait sur les enfants.

En poésie, la Montréalaise Hélène Monette, qui a raflé le prix pour Thérèse pour joie et orchestre, a profité de l'annonce des lauréats pour réclamer l'abolition de la TPS pour les dictionnaires et une diminution de 40% des gaz à effets de serre.

Enfin, dans la catégorie traduction, Paule Noyart, de Bromont, a livré un plaidoyer pour que les gens lisent le livre qu'elle a traduit, Le Miel d'Harar, qui parle notamment de la solidarité de femmes de l'Éthiopie.