Comment retrouve-t-on le goût de vivre? Une grande question avec laquelle Janette Bertrand a décidé de jongler et de s'amuser avec son deuxième roman, Le cocon. Car entre le désespoir et le bonheur, il n'y a souvent qu'un tout petit pas à faire vers l'autre.

«Je voulais prendre le suicide par l'autre bout de la lorgnette. Comment un homme qui nage dans un complet désespoir peut-il retrouver le goût de vivre?» explique l'auteure, qui après son autobiographie, Ma vie en trois actes, avait offert un tout premier roman, Le bien des miens, en 2007.

Cet homme, c'est André. Dans la mi-quarantaine, il a perdu sa femme et ses deux filles après qu'un tsunami eut frappé la côte mexicaine où lui et sa petite famille avaient installé leurs pénates pour des vacances familiales. Depuis la tragédie, il erre dans la ville comme une âme en peine et nourrit le projet de mettre fin à ses jours.

Pour mettre fin à ses souffrances, il se jette devant l'autobus que conduit Nicole, une femme au coeur gros comme la main et aux réflexes assez aiguisés pour freiner en douceur. À défaut de se retrouver au ciel près des siens, André atterrit au Cocon, le surnom d'une coopérative du Faubourg à m'lasse, sous l'aile protectrice de Nicole.

«Le cocon, c'est un autre mot pour dire famille. Les gens de la coop se sont recréé dans cet espace une famille avec ses propres règles. Une famille dont André pourrait devenir le père», poursuit Janette Bertrand.

Dans cet édifice modeste où les galeries se touchent pour mieux s'épier, André découvre un univers en soi qui attendait justement l'arrivée d'un homme comme lui.

«Pour quelqu'un comme André qui veut se suicider, il y a surtout ce désir d'arrêter de souffrir. Il n'y a pas d'autre issue. Mais parfois, dans la vie, il y a des portes qui s'ouvrent, quand ce n'est pas un autobus qui passe!» ajoute en riant Janette Bertrand, qui travaille ces jours-ci à l'écriture d'un conte pour enfants qui devrait être publié l'an prochain.

À la coop, les personnages masculins, qui sont de plusieurs générations, ont tous un point en commun: ils sont malheureux alors que la solution à leurs problèmes est à portée de main, quand elle n'est pas tout simplement dans l'appartement voisin. Des hommes comme le jeune Guillaume, qui aime mieux lever des haltères que de s'occuper de sa fille, ou encore Roméo, qui parle à sa femme défunte comme si elle était encore là.

«J'aime observer le genre humain, je ne juge personne «, souligne l'auteure de 84 ans, qui dit s'être bien amusée avec cette galerie de personnages qu'elle qualifie de «haut en couleurs». «J'ai toujours aimé mélanger le comique avec le dramatique, je le faisais déjà à l'époque de L'amour avec un grand A

La solitude urbaine

Ce n'est pas un hasard si Janette Bertrand a campé son Cocon dans le Faubourg à m'lasse. Elle y a passé sa jeunesse. «C'est un roman aussi très urbain. En ville, les gens sont très seuls. C'est d'ailleurs dans les villes que l'on retrouve le plus grand nombre de personnes vivant seules. De plus, c'est difficile de vivre dans une coop, de s'entendre avec tout un chacun. André débarque au Cocon dans un moment de fête, mais aussi de crise.»

Si les hommes du Cocon semblent atteints d'un aveuglement collectif, les femmes imaginées par Janette Bertrand ont quant à elles beaucoup à offrir, mais personne avec qui partager. À commencer par la généreuse Nicole, qui est bien impressionnée par son rescapé qui connaît tant de jolis mots. Il y a aussi la doyenne Blanche, qui multiplie les mauvais coups pour attirer l'attention, ou encore Jessica, une mère de trois enfants qui attend avec l'énergie du désespoir son chèque d'aide sociale chaque mois. Des femmes qui partagent elles aussi un trait commun, à savoir une libido dévorante. «Elles sont vivantes! Faire l'amour, c'est la vie!» rappelle l'auteure avec un grand sourire dans la voix.

Bien que le suicide, ou plutôt le désir de suicide, du personnage André soit la pierre angulaire de son dernier roman, Janette Bertrand voulait tout de même écrire un bouquin lumineux, quitte à arracher des rires ou des sourires. «Je ne sais pas comment les gens vont recevoir ce livre, car après tout, on en vient à rire du suicide.»

En catapultant un homme éduqué d'Outremont dans un quartier ouvrier, Janette Bertrand voulait aussi rappeler l'importance de mélanger les genres. «Je crois beaucoup aux mélanges des milieux et des classes sociales. On peut très bien s'infiltrer dans un milieu riche ou pauvre et ça me tentait d'explorer ça dans ce roman.»

Pour l'instant, Janette Bertrand n'envisage pas de redonner vies aux personnages de son Cocon. Inutile d'attendre une quelconque suite, l'auteure assure qu'elle a déjà une nouvelle idée de roman en banque. «Je vais prendre une tout autre direction.»

Le Cocon

Janette Bertrand

Libre Expression, 308 pages, 27,95$