L'idée d'un «devoir de réserve» pour les écrivains, avancée par un député de droite français, a été vigoureusement rejetée hier par des membres de l'Académie Goncourt, après une polémique sur des propos hostiles au pouvoir en place de la romancière Marie NDiaye, Prix Goncourt 2009.

Les jurés Goncourt réagissaient à la «question écrite» du député Éric Raoult, qui a interpellé mardi le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, sur des propos «insultants», selon lui, de Marie NDiaye.

 

Celle-ci avait jugé «monstrueuse» la France de Nicolas Sarkozy, dans une interview parue le 18 août dans le magazine Les Inrockuptibles, soit près de trois mois avant d'obtenir le Goncourt.

Le député évoquait le «devoir de réserve» des lauréats du Goncourt.

«Le devoir de réserve des Prix Goncourt n'a jamais existé, n'existe pas et n'existera jamais. Ce serait bien mal connaître les écrivains que de croire qu'il existe», a déclaré l'animateur d'émissions littéraires et membre de l'Académie Goncourt, Bernard Pivot.

Autre membre du jury Goncourt, Françoise Chandernagor rappelle pour sa part que «le devoir de réserve n'existe en droit que pour les fonctionnaires».

Au ministère de la Culture, on indiquait hier que M. Raoult ayant adressé au ministre une question écrite, il lui sera répondu «par écrit».

Dans une interview accordée à la radio Europe 1, avant le début de la polémique, Marie NDiaye a estimé quant à elle que ses propos sur «la France de Sarkozy» étaient «très excessifs».

Interrogée sur sa décision de s'installer à Berlin après la présidentielle de 2007, la romancière a rejeté l'idée d'«une forme d'exil politique».

«Simplement, depuis quelque temps je trouve l'atmosphère en France assez dépressive et morose, il me semble qu'à Berlin en ce moment elle est plus exaltante», déclare-t-elle dans cet entretien diffusé hier.

Dans l'interview qu'elle avait accordée en août, Marie Ndiaye expliquait notamment qu'elle avait choisi de vivre hors de France «en grande partie à cause de Sarkozy». «Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité... Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux», déclarait-elle, en citant les noms des ministres de l'Immigration et de l'Intérieur Éric Besson et Brice Hortefeux.

Marie NDiaye, 42 ans, Française de père sénégalais, a reçu au début du mois le prix Goncourt pour Trois femmes puissantes, récit de trois destins tiraillés entre l'Europe et l'Afrique.