Jeune prodige de la littérature allemande, Daniel Kehlmann s'est donné pour mission de combler le manque cruel d'humour qui règne au pays de Goethe.

Ce jeune homme de 34 ans, qui compte déjà sept romans à son actif, n'affiche pas la mine du Teuton austère empilant les briques de philosophie sur un front si haut qu'on n'en voit pas la crête. Étudiant, il voulait consacrer sa thèse au sublime dans l'oeuvre de Kant, mais il abandonna pour se consacrer à l'écriture romanesque.

Les arpenteurs du monde, en 2005, fut un succès foudroyant dans son pays natal, tout comme chez nos voisins du Sud. Son petit dernier est un roman en neuf histoires, une rocambolesque traversée des apparences dans un univers dont la réalité chevauche à tout instant une fiction retenue prisonnière de son propre jeu.

D'abord, un mince fil apparaît dans la trame des premières histoires et relie les personnages, affirmant par là une structure chorale dans laquelle les différents protagonistes se croisent sans véritablement s'affronter. Kehlmann construit habilement la thématique obsessive du récit à neuf voix, celle de la reconnaissance publique ou imaginaire de l'existence humaine.

Qui nous reconnaît dans la rue? Qui nous appelle? Qui nous répond? Pour qui écrit-on? Peu à peu, certains personnages se frôlent, et ce qui apparaît anecdotique pour l'un devient pour l'autre d'une importance capitale. Mais par-dessus tout, l'humour noir de Kehlmann perce la coquille de ces malheureuses vies humaines jetées à la dérive dans ce réel inventé de toutes pièces._______________________________________________________________________________

* * * *

Gloire. Daniel Kehlmann. Actes sud, 174 pages, 31,50 $