Le polar dit régionaliste est apparu au siècle dernier, principalement dans les années 90 où il a connu une croissance spectaculaire, notamment en France et en Allemagne où ce genre est très prisé. Au Québec, Jean Lemieux est son meilleur représentant avec des polars pittoresques, dont l'intrigue se passe dans l'archipel isolé des Îles-de-la-Madeleine.

Après Lune rouge (un polar hors-série) et On finit toujours par payer, dans lequel apparaît le sergent-détective Surprenant, il nous revient avec une deuxième aventure de son héros dans Le mort du chemin des Arsène, une brique ambitieuse de plus de 400 pages. Alors qu'il s'apprête à quitter son poste aux Îles, André Surprenant doit mener une dernière enquête. On a découvert dans sa maison le cadavre du célèbre violoneux Romain Leblanc, une carabine posée sur ses jambes, une balle en plein coeur.À première vue, cela ressemble à un suicide, car les portes étaient verrouillées. Mais Surprenant a des doutes. Pourquoi ce musicien au sommet de sa gloire, grand amateur de femmes, riche propriétaire à la suite d'un héritage providentiel, se serait-il donné la mort? Tourmenté par sa vie familiale, sentimentale et professionnelle, le détective plonge dans une longue enquête au cours de laquelle il découvre que dans cet archipel battu par le vent et les vagues, certains cachent de terribles secrets.

De l'aveu même de l'auteur, la narration est plus ambitieuse et fait appel à plusieurs points de vue. La psychologie des personnages prime sur l'action, qui manque un peu de nerf. À vrai dire, j'ai préféré la formule plus concise, plus ramassée, plus efficace du roman précédent. Sans être ennuyeux, ce roman souffre d'une surabondance de personnages, ce qui entraîne des longueurs. Heureusement, on y retrouve la saveur locale, la parlure particulière des habitants du coin, l'ambiance des Îles et l'univers de la musique qui occupe une place privilégiée dans la vie des protagonistes. Bref, un livre agréable, qui l'aurait été davantage avec quelques pages en moins.

Maria Goretti, personnage de polar

Il faut de l'imagination et un certain culot pour mettre Maria Goretti, «celle qui a dit non», sainte et martyre, au coeur d'une intrigue policière. C'est pourtant le pari de Geneviève Lefebvre, réalisatrice et scénariste chevronnée, dans Je compte les morts. À Montréal, Antoine Gravel, scénariste doué mais fauché, avec comme seul compagnon un cochon mélomane, reçoit une offre qu'il ne peut refuser.

La productrice Maggy Sullivan désire tourner un film dans une version moderne du drame sordide vécu par Maria Goretti. Au même moment, un tueur en série exécute sauvagement de très jeunes filles dans le quartier montréalais de Griffintown (quartier ouvrier du Sud-Ouest), là où doit être tourné le film. Gravel ignore que derrière tout ça, se trame une terrible vengeance, Maggy Sullivan ayant des comptes à régler avec son mari et sa propre mère.

Malgré quelques éléments d'une vraisemblance douteuse et quelques vulgarités scatologiques navrantes dans les premières pages, Je compte les morts est un divertissement honnête, insolite, souvent drôle, mais dont la finale plutôt décevante est un pétard mouillé. À quoi bon élaborer un scénario de vengeance aussi juteux si c'est pour l'achever en eau de boudin? On s'attendait à mieux de cet auteur qui a une feuille de route éloquente et qui sait raconter une histoire.

Et puisqu'il est question de polars québécois, rappellons que le prix Saint-Pacôme du roman policier 2009 a été remporté par Chrystine Brouillet pour Promesses d'éternité (La Courte Échelle), une enquête de Maud Graham. Les deux autres romans en lice étaient Lazy Bird (Andrée A. Michaud, Québec-Amérique) et Letendre et l'homme de rien (Pierre Caron, Fidès).

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Le mort du chemin des Arsène. Jean Lemieux. Montréal, La Courte Échelle, 454 pages, 29,95 $.

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Je compte les morts. Geneviève Lefebvre. Montréal, Libre Expression, 318 pages, 27,95 $.