Les éditions Attila, menées de main de maître par Benoît Virot et Frédéric Martin, jeunes trentenaires ayant «une confiance surréaliste dans l'imaginaire», traquent les perles rares comme d'autres les prix.

Leur dernière trouvaille, le Paris insolite de Jean-Paul Clébert et Patrice Molinard, est une dérive unique et déroutante dans une ville qui s'apprête à disparaître.

C'est que Paris, dans l'après-guerre, traînait encore dans son sillage en colimaçon des nids de serpents et des impasses glauques, et les personnages qu'on pouvait y rencontrer parlaient une langue verte, dont les accents révélaient au bon entendeur toute la substantifique moelle rabelaisienne, dont cette ville fut le berceau.

Jean-Paul Clébert, griffonnant dans ses carnets disparates le récit de ses errances au début des années 50, a d'abord publié chez Denoël cet inclassable éloge des déshérités. Le Club du meilleur livre a commandé en 1954 une édition illustrée, d'où les 115 photographies de Patrice Molinard qui l'accompagne.

Terrains vagues, bicoques de tôle au bord de la Seine, regards bercés par le vin des rues: l'oeil perçant de Molinard embrasse la prose de Clébert, offrant ainsi un jeu de miroirs saisissant entre la vie courante et sa capture par l'objectif.

Comme l'atteste une lettre d'Henry Miller, ce «roman aléatoire» remue les tripes du lecteur, qui en sort comme d'un vagabondage insouciant à travers une avalanche de réel déboulant des crêtes de l'imaginaire. Il n'y a pas à dire, ce Paris insolite est une fenêtre sur le rêve englouti d'une ville flottante. Fluctuat nec mergitur...

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Paris Insolite. Jean-Paul Clébert et Patrice Molinard. Attila, 342 pages, 44,95 $