En attendant que s'établisse le nouveau modèle économique de l'édition à l'ère du livre numérique, l'Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) continue sa double mission de défense du droit d'auteur et de promotion de l'accès au livre.

«On défendra toujours le droit d'auteur, qui assure la pérennité du processus créatif», expliquait hier en point de presse Pierre LeFrançois, le directeur général de l'ANEL, qui compte quelque 125 membres au Québec, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et au Manitoba. «Mais on ne peut pas juste se replier en défense; il faut se porter à l'attaque et nous l'avons fait avec notre agrégateur de contenus.»Lancé l'hiver dernier en collaboration avec la firme DeMarque, de Québec, l'agrégateur ANEL a d'abord offert le feuilletage en ligne, un service qu'ont vite adopté les librairies internet du Québec.

La nouvelle plateforme de distribution a ensuite commencé la vente des quelque 1500 fichiers PDF qu'y ont déposés une trentaine d'éditeurs d'ici. On achète les fichiers de livres soit sur les sites de ces éditeurs soit sur Jelis.ca, la boutique numérique d'Archambault, filiale libraire de Quebecor (on dit que Renaud-Bray s'apprête aussi à faire le saut numérique). Ou à la librairie numérique immateriel.fr en France, marché «naturel» mais difficile, où l'agrégateur ANEL DeMarque doit pousser sa mise en marché.

«Les nouvelles plateformes numériques ne mènent pas juste au remplacement du papier, souligne pour sa part le président de l'ANEL, Gaëtan Lévesque. Elles nous ouvrent aussi des marchés additionnels sur la scène internationale.» Plus besoin de se rendre à la Librairie du Québec à Paris, mais il reste à régler bien des détails dans ce «chaos transitoire» que devrait rendre moins chaotique la prochaine réforme canadienne du droit d'auteur.

Comment encourager l'offre licite? Que faire pour responsabiliser les «acteurs de l'économie du savoir»? Comment punir ou écarter les contrevenants alors que l'époque est à l'accès total et gratuit? Qui, de ceux qui tireront profit des nouvelles méthodes, devra en remettre «dans le pot» pour assurer aux auteurs leurs droits, «moteur des industries culturelles»?

Le libraire numérique continuera-t-il de toucher 40 % du prix de vente d'un livre? À qui iront les 20 % traditionnels de l'imprimeur? L'auteur, la source sans laquelle tout le monde sèche, restera-t-il le minus habens à 10 %?

Tout cela reste à voir. Entre-temps, le monde entier surveille l'affaire Google. L'an dernier, on le sait, le plus grand fournisseur d'accès d'information numérique avait conclu avec l'Association of American Publishers une entente qui lui permettait de numériser les livres et de concevoir un système de rémunération, tant pour les auteurs que pour leurs éditeurs.

Des critiques se sont élevées - l'ANEL a refusé de signer cette entente - avec, en tête, le ministère de la Justice des États-Unis qui a dit au juge new-yorkais de prendre le temps d'analyser tous les impacts, aussi vastes que nombreux, tant aux États-Unis qu'ailleurs dans le monde. L'audience du 7 octobre, annonçait-on hier à New York, est reportée.

Ici, l'ANEL (anel.qc.ca) demande au gouvernement canadien de rester alerte: «Le Canada ne peut, d'une main, se faire le champion de la diversité culturelle sur la scène internationale et refuser, de l'autre main, de mettre en place les conditions indispensables à la richesse de sa propre diversité.»

Beaucoup de livres (de papier) ont été écrits là-dessus...