Plongée jusqu'au cou dans le Festival Juste pour rire, j'ai voulu pousser le professionnalisme jusqu'à lire l'essai de Henri Bergson sur le rire. Gros décalage entre, disons, Jean-François Mercier et Bergson, je dois l'avouer. D'abord parce que Bergson, bien que très intéressant, n'est pas précisément the life of the party, ensuite parce que le plaisir de lire n'est pas le même que celui de rire, quoique les deux exigent une connivence très intime.

N'empêche, puisque je suis en plein dedans, je me suis demandé: quels sont les livres qui ont provoqué chez moi le rire? Je veux dire le rire sincère, qui vient des tripes, et pas le sourire que j'ai continuellement au visage à la moindre phrase savoureuse et bien écrite?

Voici donc mes 10 meilleurs livres pour rire!

1 - Dieu, Shakespeare et moi, opus 1, de Woody Allen

Après avoir versé beaucoup de larmes à la lecture des romans de V.C. Andrews, je découvrais pour la première fois qu'un livre pouvait me faire pleurer pour d'autres raisons. J'aimais particulièrement le chapitre d'Allen sur les méthodes de désobéissance civile. «Faire le piquet devant le Parlement en psalmodiant le mot «gâteau» jusqu'à totale satisfaction des revendications.» À force de lire des extraits à mes amis dans les cours de maths, que je perturbais évidemment par mes gloussements, j'ai été punie par une retenue. Ma première. Et parce que je lisais un livre!

2 - Appelez-moi Stéphane de Claude Meunier et Louis Saia

Des gens très ordinaires suivent un cours de théâtre très amateur avec le «comédien» Stéphane Sylvain, dont l'illustre carrière se résume à avoir suivi un stage d'été en expression corporelle «sous» Michel Conte et interprété une noix dans une pub. Comme pour Les voisins, Meunier et Saïa réalisent un tour de force dans l'écriture de cette pièce où toutes les phrases sont à double sens, quand elles ne veulent pas absolument rien dire.

3 - Le Tiers Livre de Rabelais

On dit «la langue de Molière», dont on vante le génie et l'humour, lui qui en incarnerait la quintessence, mais j'ai une nette préférence pour ce pouilleux de Rabelais, l'un des premiers à avoir écrit dans une «langue françoise» qui rappelle beaucoup celle parlée au Québec. «Le rire est le propre de l'homme», c'est de lui. Et vive la dive bouteille!

4 - Women de Charles Bukowski

Ses rapports avec les femmes étaient tout sauf simples. Beuveries et hystérie font vraiment un drôle de ménage. Parfaitement macho, certes, mais absolument franc dans son propos. Voire cru, souvent. Puisque les histoires d'amour finissent mal en général, on pourrait dire qu'elles ressemblent en ivresse et en retombées à des cuites carabinées.

5 - Le monde de Barney de Mordecai Richler

Le dernier roman de l'enfant terrible des lettres canadiennes est à la fois un hilarant et touchant portrait de Barney, un arriviste qui décide d'écrire ses mémoires - alors qu'il est atteint d'alzheimer - afin de rétablir sa réputation, qu'il a lui-même abondamment amochée. Cynique, acide, mais tendre aussi.

6 - La vieille qui marchait dans la mer de San-Antonio

Pour la langue de San-Antonio, bien sûr. Les dialogues entre Milady et Pompilius - deux vieux arnaqueurs professionnels - sont un feu d'artifice de vacheries savamment formulées. Mais ce sont les monologues de Milady avec Dieu qui sont irrésistibles. Sur les hommes, elle lui dit: «Quelle idée Vous a pris de créer cette sale engeance? Ô Seigneur! J'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour les faire chier, tous! J'aimerais leur couper le sexe et constituer un Himalaya sanguinolent de bites sectionnées. Jurez-moi que Vous n'êtes pas un homme, Seigneur, afin que, ma mort venue, je puisse aller m'asseoir à Votre droite sans serrer les miches!»

7 - Les tranches de vie de Lauzier

Le bédéiste Gérard Lauzier a fait mon éducation d'adulte. Son regard impitoyable sur les modes intellectuelles - du communisme au féminisme en passant par «les nouveaux philosophes» -, sur les rapports hommes-femmes, sur la littérature, les bourgeois, la gauche, la droite, enfin, toutes ses bandes dessinées sont un manuel de survie pour apprendre à ne pas se prendre trop au sérieux. «Je doute de la gauche!!!» s'écrit un gauchiste désespéré. Ce à quoi sa maîtresse lui répond: «C'est ce gin pur, tu sais que ça te fait du mal.»

8 - Les pensées et aphorismes de Chamfort

Des mémorialistes français, il est le plus spirituel et le plus snob, et l'un des plus influents de son époque. De la vie en société, il a tout dit, bien avant Oscar Wilde. «Quand on veut plaire dans le monde, il faut se résoudre à apprendre beaucoup de choses qu'on sait par des gens qui les ignorent.» Si vrai, si vrai...

9 - Syllogismes de l'amertume de Cioran

Pousser le désespoir et le nihilisme à ce niveau-là est forcément l'oeuvre d'un esprit comique. De tous les livres du philosophe, on pourrait classer celui-là comme un recueil de blagues destinées aux dépressifs. Quelques exemples: «Quelqu'un emploie-t-il à tout propos le mot «vie»? - Sachez que c'est un malade.» «Rater sa vie, c'est accéder à la poésie - sans le support du talent.» «Tout Occidental tourmenté fait penser à un héros dostoïevskien qui aurait un compte en banque.»

10 - Le cabaret Bio Dégradable, présenté à Juste pour rire

Jamais je n'aurais cru que les autobiographies de Danielle Ouimet, Anne Létourneau, Andrée Boucher, Martin Stevens, Mario Pelchat, Julie Lemay ou Elizabetta pouvaient me procurer autant de bonheur.