À 87 ans, Mavis Gallant est avec l'Ontarienne Alice Munro (78 ans), dans la lignée des regrettées Manitobaines Margaret Laurence et Gabrielle Roy et de la Québécoise Anne Hébert, l'une des cinq grandes dames de la littérature canadienne, anglophone ou francophone.

Quintette de choc de la littérature féminine au pays du castor. Autrefois séparées par «les deux solitudes», aujourd'hui, le projet de René Lévesque en voie d'étiolement et le dégel des solitudes amorcé, elles se retrouvent, font corps, un lectorat sans oeillères les rassemble. Gallant fut la première anglophone à recevoir en 2006 le prix David - jusque-là réservé aux écrivains francophones.

Juste évolution, car ces plumes sont de la plus haute qualité d'expression et prouvent que la littérature traverse les soubresauts politiques, les dépassent. Comme Anne Hébert, Mavis Gallant, née à Montréal, a choisi de vivre à Paris. Elle écrit en anglais des nouvelles dont elle est, avec Munro, un maître.

Voici qu'elle entre dans une maison d'édition québécoise francophone pour accroître (espérons-le) son lectorat dans la langue d'Anne Hébert. Premier titre, une longue nouvelle parue en 1973 sous le titre The Pegnitz Junction, traduite par Suzanne V. Magnoux sous le titre Voyageurs en souffrance. Un trajet en train de Paris vers l'Allemagne dans les années d'après-Shoah. Délicat et brillant au possible.

Ces voyageurs (monologues intérieurs, dialogues inquiets, narration omnisciente entrant dans les destins) vivent en souffrance, en suspens, marchandises que les trains de la mort ont oubliées...

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Voyageurs en souffrance, Mavis Gallant, Traduction de Suzanne V. Mayoux, Les Allusifs, 110 pages, 18,95 $