Romancier, essayiste (il nous a livré le fort intéressant Paradoxe de l'écrivain en 2003), Claude Vaillancourt surprend de plus belle avec Les années de bataille, une vaste relecture du parcours sinueux d'une génération sous la forme de sept portraits.

 

Rédigé de façon fragmentaire, alternant les incursions dans les univers différents de chacun des protagonistes, le roman offre au lecteur un vaste panorama tout en évitant les pièges d'une telle ambitieuse auscultation, privilégiant l'anecdotique aux grands gestes d'éclat. Tout en nuances, ses personnages évoluent comme nos pairs, amis, amants, humains jusque dans leurs imprécisions. Cette «bataille», c'est d'abord le combat inévitable que devront se livrer ces hommes et femmes entrant sur le marché du travail à l'aube des années 90. Or, Vaillancourt profite de cette toile de fond pour aborder une autre lutte autrement plus féroce, la lutte contre soi-même.

Avec beaucoup d'acuité, l'auteur s'amuse à traiter de la notion de péché, «cette lutte entre le corps et la conscience» en s'amusant des contradictions de l'âme humaine. Ici, on s'échine à être authentique dans l'art de la feinte, on croise la lance du militantisme avec celle de l'intolérance et l'avarice se confond dans une valorisation de l'effort. Ce roman, parfois inégal, il faut en convenir, porte par son intertextualité (il faut voir le délicieux parallèle que l'auteur établit entre un de ses protagonistes et le décadent Des Esseintes de Huysmans) et parvient à transcender une langue somme toute commune par la force de ses reproductions d'une justesse étonnante, livrant là un échantillonnage brutal de ce dont nous sommes tous faits. De chair, de paradoxes et d'avidité.

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Les années de bataille

Claude Vaillancourt

Québec Amérique, 600 pages, 29,95$

***1/2