Peut-on encore intéresser les lecteurs de polars avec des histoires de tueurs en série, un thème convenu, prétexte facile pour des scènes d'ultraviolence? Ça doit être le cas si j'en juge par la qualité particulière de ces quelques romans aux intrigues fortes parfois inspirées par les crimes atroces de monstres bien réels.

Enfant 44, de Tom Rob Smith, est mon premier «choc culturel» de ce début de 2009. L'histoire commence à Moscou en 1953. On a retrouvé le corps nu et mutilé d'un petit garçon sur une voie ferrée. Un meurtre? Tout le monde en est persuadé. Tout le monde, sauf les autorités, car dans le «paradis» du parfait État socialiste dirigé par Staline, le crime n'existe pas. Leo Demidov, un agent zélé du MGB, la police chargée du contre-espionnage, doit persuader les parents qu'il s'agit d'un simple accident. Les témoins qui prétendent le contraire, on les menace ou on les liquide. Bienvenue dans cet enfer soviétique où la délation est le sport national, les arrestations arbitraires, les procès truqués, les déportations et les exécutions sommaires une banalité de la vie quotidienne! Leo évolue à l'aise dans cet environnement totalitaire, où règne une paranoïa absolue, jusqu'à ce que ses convictions soient ébranlées par la multiplication des meurtres d'enfants. Dès lors, en dépit des autorités, Leo se lance dans une enquête très risquée au cours de laquelle il découvre toute l'horreur de la machine à broyer les corps et les âmes que fut la Russie de Staline! Tom Rob Smith s'est inspiré de l'affaire Andreï Tchikatilo, un instituteur ukrainien, cannibale à ses heures, qui a fait plus de 50 victimes dans la région de Rostov avant d'être arrêté. Glaçant, ce premier roman, qui frise le chef-d'oeuvre, vous prend au tripes dès les premières pages.

 

 

 

Dans Duel en enfer, Bob Garcia réécrit la saga sanglante des crimes de Jack l'Éventreur telle que vécue par Sherlock Holmes et le docteur Watson. Dans un pastiche solidement documenté, où humour noir et horreur cohabitent allègrement, Garcia nous entraîne sur la piste du plus célèbre tueur de l'histoire, dans les ruelles sordides de Whitechapel, un quartier de Londres peuplé par une faune hétéroclite de miséreux, d'immigrés fauchés, de coupe-jarrets et de prostituées. Alors que la police piétine lamentablement, le tueur défie les autorités avec des lettres envoyées aux journaux. Mais Sherlock Holmes veille au grain. Et, of course, il découvrira qui est le véritable tueur. Bob Garcia en profite pour nous donner son propre point de vue sur cette affaire jamais résolue. Un livre à la fois divertissant et instructif, mais rappelez-vous tout de même que les crimes de Jack (décrits avec réalisme par l'auteur) étaient assez horribles et comme disait Nietzsche: «Qui lutte avec des monstres doit veiller à ne pas devenir un monstre. Si tu regardes longuement l'abîme, l'abîme regarde en toi.» Vous voilà prévenus...

La palme du sadisme revient cependant à Maxime Chattam, dont on vient de rééditer les trois premiers romans en un seul volume intitulé La trilogie du mal. Josh Brolin, son personnage principal, est un ancien profileur du FBI qui affronte les pires horreurs. Dans L'âme du mal, il traque le bourreau de Portland, un tueur mystérieux qu'il avait pourtant abattu d'une balle dans la tête. Dans In Tenebris, il découvre l'existence d'une secte aux pratiques diaboliques, responsable de la disparition de dizaines de personnes, alors que dans Maléfices, il combat une invasion d'araignées mortelles. Ces trois récits sont des thrillers à (très) haute tension, d'une violence inouïe, mais difficiles à lâcher! Et en passant, je me permets de souligner la présentation superbe de cet omnibus infernal! Du beau travail...

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Enfant 44

Tom Rob Smith

Belfond, 348 pages, 29, 95$

**** 1/2

Duel en enfer

Bob Garcia

Le Rocher, 440 pages, 33,95$

*** 1/2

La trilogie du mal

Maxime Chattam

Michel Lafon, 1048 pages, 44.95$

*** 1/2