Auteure de Mue, un livre-culte du mouvement féministe publié en 1975, Verena Stefan a quitté la suisse allemande pour vivre au Québec il y a 10 ans. D'abord paru en allemand, D'ailleurs est un texte fort et expérimental fondé sur le choc d'une étrangère exilée au Québec. La narratrice décrit le télescopage sensoriel provoqué par l'immigration. À ce premier dépaysement, Stefan en superpose un second, celui de la maladie, en l'occurrence le cancer du sein, où le corps étranger pénètre cette fois de l'intérieur. En face de ces deux traumatismes s'élève l'amour, au centre de cet essai poétique hors norme.

Très original dans sa forme, une narration impressionniste et métaphorique, D'ailleurs forme une suite ouverte de sensations liées les unes aux autres, un univers fluide, sans frontières, où les paysages extérieur et intérieur s'interpénètrent. «On avance en tâtant avec les pieds le fond du lac sablonneux, que l'on ne connaît pas encore, en évitant les pierres et les branches, avant de plonger dans une langue dans laquelle on comprend l'eau.»

Prise de vertige, la narratrice cherche des points d'ancrage dans la nature, explorant la désorientation géographique, spatiale et corporelle. Le roman s'apparente à une marche à l'aveugle poétique mais aussi très crue dans les descriptions du traitement de chimiothérapie. Stefan met à nu une femme en face de la mort et de la peur et, de son oeil amoureux, sensible aux infimes détails, donne un nouvel éclairage au Québec. D'une voix singulière, Stefan chante la sensualité au coeur de la déroute.

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D'ailleurs

Verena Stefan

Héliotrope, 245 Pages, 24, 95$

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