«Yes we can»... «L'objet du discours mythique, a écrit Frédéric Bon dans Le discours politique, est d'introduire une intelligibilité dans le chaos, c'est-à-dire de ramener les dimensions multiples de cette expérience à un petit nombre de notions et d'opérateurs simples.»

Le soir de sa défaite aux préliminaires du New Hampshire, Barack Obama a relancé sa campagne avec un credo de trois mots, huit lettres, on ne peut plus simple. Une affirmation, «oui»; une personne collective et, dirait-on ici, «inclusive»: «nous»; une potentialité. Oui, nous pouvons. «Yes we can.» Oui, on peut battre Hillary Clinton. Oui, on peut avoir un président noir. Oui, on peut accéder à une société juste et instaurer la paix dans le monde. Dont le slogan a vite fait le tour.

 

Comme le discours qu'avait prononcé John F. Kennedy à Berlin-Ouest en 1963, peu avant son assassinat: Ich bin ein Berliner, «Je suis un Berlinois». À quelques pas du «mur de la honte» érigé par les Soviétiques deux ans plus tôt, Kennedy avait d'abord fustigé le système communiste avant de livrer sa célèbre conclusion: «Tous les hommes libres, où qu'ils vivent, sont citoyens de Berlin, et pour cette raison, en ma qualité d'homme libre, j'ai fierté à dire «Ich bin ein Berliner».»

Le discours de Berlin est l'un des trois de JFK à se retrouver dans l'anthologie Les 100 discours qui ont marqué le XXe siècle, une anthologie de l'éditeur belge André Versaille diffusée ici par les Éditions CEC (Quebecor), avec une préface de Jean-François Lisée. Qui a écrit, rappelle-t-il, «quelques centaines de discours» pour les premiers ministres péquistes Parizeau et Bouchard.

Aucun ne fait partie de l'anthologie où la seule référence au Québec est dans le fameux «Vive le Québec libre», lancé par Charles de Gaulle du balcon de l'hôtel de ville de Montréal en juillet 1967. Le discours du Général - «Je vais vous confier un secret» - tient dans une page, mais les notes explicatives qui le précèdent en font sept. Bien que justes dans leur ensemble, certains passages contiennent des erreurs - telle l'évocation du trajet «entre Québec et Ottawa» - ou relèvent de versions discutables de l'événement: jusqu'à quel point, en ce 24 juillet sur le chemin du Roy, «où des arcs de triomphe marquent l'entrée de chaque bourgade», les indépendantistes, ailleurs qu'à Montréal, avaient-ils «tout mis en oeuvre pour noyauter les foules»?

Reste que, au-delà des discours et de leurs formules-chocs, les notes constituent la force de ce voyage dans le «court» XXe siècle que l'on fait débuter avec la Première Guerre mondiale. Ainsi le livre s'ouvre avec le discours pacifique du socialiste français Jean Jaurès, prononcé le 29 juillet 1914 à Bruxelles et se termine avec celui de Jean-Paul II, en mars 2000 en Israël, où il appelait chrétiens et juifs à «construire un avenir nouveau».

Entre ces bornes s'alignent des discours méconnus et d'autres rediffusés des centaines de fois à la télévision, dont on connaît l'impact sur la communication politique. Du testament sportif de Pierre de Coubertin (1925) à l'appel à la paix d'Adolf Hitler (1935); des appels au peuple anglais de Winston Churchill, peut-être le plus grand tribun de tous, au discours de Lester B. Pearson, seul «contenu canadien», sur la nationalisation du canal de Suez (1956). Et des dizaines d'autres acteurs «du siècle de fer»: Nehru, Mao, Nixon, Arafat, Khomenei, Walesa, Gorbatchev.

Yes we can... Barack Obama serait-il où il est sans Martin Luther King qui, le 28 août 1963, a livré devant 250 000 manifestants au Lincoln Memorial de Washington, un des plus grands discours du siècle dernier. L'histoire en a retenu quatre mots: I have a dream...

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Les 100 discours qui ont marqué le XXe siècle

Hervé Broquet, Catherine Lanneau et Simon Petermann (éd.)

André Versaille/Éditions CEC

818 pages, 49,95$

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